7] Regard

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-Bonjour mesdemoiselles! Je vois qu'on est rigoureusement à l'heure ce matin, s'exclame Victorine avec son soupire le plus éclatant.

Les deux jeunes femmes s'installent à leurs places de la veille sans ajouter quoi que ce soit en constatant qu'il n'y a encore qu'elle et son mari à table, mais alors presque aussitôt arrivent l'aîné de la fratrie suivit du petit dernier.
Silvain lève les yeux de sa tasse de café l'air grave:

-Que font vos frères?
-Modèste s'occupe d'Hyppolite et Prosper je n'en sais rien, encore à oublier les règles de la bienséance celui-là!
-S'il te plaît Fidèle! Merci de nous épargner ces paroles devant ces deux demoiselles qui n'ont que faire de vos conflits fraternels...

L'ainé soupire de frustration en serrant fermement le manche de sa fourchette dans sa main, ce qui n'échappe pas à Oxelle qui se trouve juste à côté de lui.
Pour changer de sujet, que l'ambiance est, pour une raison qu'elle ignore, très tendue, elle décide d'aborder sa mésaventure de la nuit:

-Excusez moi de vous demander ça mais... avez vous connaissance de rongeurs dans votre maison?

Et à peine ce dernier mot sorti d'entre ses lèvres tous les regards se posent sur elle d'un coup. Silvain manque de renverser sa tasse et Victorine de s'étouffer avec le contenu tandis.

-Pa... pardon?!

Le ton sur lequel est prononcé ce mot fait amèrement regretter à Oxelle d'avoir aborder ce sujet. Mais désormais il est trop tard pour reculer.

-Je vous demande ça car cette nuit j'ai entendu des grattements dans le mur de notre tête de lit. Qui ont duré très longtemps...

Cette fois les regards se détournent d'elle pour s'échanger d'un air entendu et inquiet. La jeune femme veut aussitôt les rassurer:

-Mais ne vous en faites pas ce n'est pas gr...

Silvain la coupe brusquement:

-Il n'y a aucun rongeur chez nous mademoiselle.
-Vous êtes sûrs? Car je vous jure que...

Cette fois c'est sa femme qui prend le relais:

-Oui nous sommes sûrs! Aucun rongeur! C'est votre imagination qui a du vous jouter des tours, vous avez sûrement rêvé.
-Je sais faire la différence entre réalité et illusion madame et je vous affirme que j'ai bien entendu ce que je vous dis!

Oxelle a toujours en travers de la gorge la façon dont cette femme l'avait sermonnée hier et cette fois n'as pas l'intention de se laisser faire.
Un silence glaçant suit ses paroles et l'oxygène semble manquer dans la pièce mais soudain une voix intervient:

-Oui vous avez bien tendu bien-sûr, mais c'est par contre bien votre imagination qui vous a fait croire à des rats...

Tous les yeux viennent alors se poser sur Honoré, qui continue d'un air qui se veut plus que convaincant:

-La réalité est bien plus simple pourtant: cette maison et vieille et le bois travaille en permanence. Il y a toujours des grincements atroces qui s'échappe de partout, mais c'est normal, vous n'avez rien à craindre...

Oxelle n'est pas satisfaite de cette réponse, mais cette fois elle se retient d'ajouter un mot et se serre une tasse de thé.
En buvant elle jette un coup d'œil à Honoré qui est contrairement à hier soir, à sa diagonale face à elle. Et comme s'il l'avait senti, ce dernier croisé aussitôt son regard. Il se met à la fixer sans cesser de manger et alors que par réflexe Oxelle allait détourner le regard elle n'en fait rien et ne lâche pas ses yeux tout en reposant sa tasse.

Quelque chose la dérange dans le regard de ce jeune homme.
Il n'a que dix-neuf ans... mais ses yeux respirent un sentiment de supériorité, d'intelligence et... de méchanceté. La jeune femme en est troublée. Parce que ce n'est pas le regard que devrait avoir un garçon de son âge.

Il finit par enfin la lâcher du regard en se levant et disparaît dans le couloir.
Mais Oxelle n'oubliera pas ce regard...

OxelleWhere stories live. Discover now