60] Marques

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-Papa.

Tous les regards se posent sur le jeune garçon. Il a trois ans, bien sûr il parle depuis longtemps même si son langage est loin d'être aussi développé que certains enfants de son âge. Mais cette parole était si inattendue en cet instant, d'une voix si belle et innocente dans ce moment des plus atroces que l'émotion l'emporte.
Nina regarde son fils et d'une voix douce lui répond:

-Non mon chéri. Papa n'existe pas. Maman est là. Juste Maman...

Elle confit alors Hyppolyte dans les bras d'Oxelle qui le prend tremblante alors que ses mains sont encore recouvertes de sang et son visage pâle d'avoir vomi. Le garçon se laisse faire et se met à jouer avec une mèche des cheveux de la jeune femme.

-Nina... qu'est ce que tu fais?
-Je veux le voir mourir. Je veux en finir moi même. Mais pas Hyppolyte. Emmène le dans une autre chambre. Je vais venir vous chercher.
-Nina il faut qu'on...

Elle l'a coupe aussitôt:

-Je-veux-le-voir-mourir!

Elle ramasse alors le deuxième couteau sur le sol dans sa main.

-Attendez moi dans une autre chambre. Ça sera rapide.

Oxelle n'insiste pas plus et obéit, trop fragile et faible pour discuter. Elle enjambe Modeste qui essaye alors de tendre une main vers son fils et referme la porte derrière elle. Elle se retourne une seconde et voit la flaque de sang continuer de se répandre sous la porte. Un nouveau haut le cœur la saisit et elle se dépêche alors d'entrer dans la pièce la plus proche, à savoir la chambre de Fidèle qu'elle connaît déjà...
Elle ne prend pas le temps de refermer la porte derrière elle et se précipite d'entrer dans la salle de bain contigüe. Elle dépose Hyppolyte sur le sol et se retient au lavabo pour se maintenir debout tant sa tête lui tourne et qu'elle se sent mal.

Elle lève les yeux et se regarde dans le miroir.
Son visage tire sur le verdâtre et est d'une pâleur cadavérique. Des traces et des éclaboussures de sang tachent sa peau et des bleus suite aux coups qu'elle avait pu recevoir depuis le début de son séjour ici sont encore particulièrement visibles.

Elle baisse les yeux, voit ses mains et ouvre le robinet pour rincer tout ce sang, toute cette crasse, toute cette horreur. Elle frotte de toutes ses forces sa peau mais le sang a beau être parti elle se sent toujours sale. Elle se met alors a frotter ses avant bras, puis penche son visage et éclabousse frénétiquement son visage, elle frotte son cou, sa gorge, son décolleté, presque à s'en arracher la peau, mais elle les sent toujours sur elle. Elle les sent. Les marques. Les marques de peur, de panique, de rage, de colère, de paranoïa...
Elle n'arrive pas à les retirer et ne peut contenir ses sanglots tout en continuant de frotter comme si sa vie en dépendait.
Elle relève les yeux vers le miroir mais ce n'est plus son reflet qu'elle voit. Simplement ses yeux, son âme. Et elle ne supporte pas de la voir.
Alors, elle pousse un cri et frappe de son poing fermé contre la glace qui se brise sur sa peau.

Mais elle aura beau se laver et fracasser son reflet, ces marques ne disparaîtront pas. Elles ne disparaîtront plus jamais...

OxelleWhere stories live. Discover now