94] Rester

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-Oxelle?

Cette voix faible provient du lit. Oxelle se retourne et voit Nina, les paupières à moitié fermées, n'ayant pas même la force de se redresser.

Oxelle comprend que le hurlement qu'elle a poussé n'était pas uniquement dans son rêve et les pleurs de nourrisson qui retentissent soudain de l'autre côté de l'étage vient le lui confirmer.
La jeune femme se lève du sol, des courbatures et un mal de crâne atroce la saisissant aussitôt.

-Excuse-moi Nina... je... ce n'est rien...

Nina ne répond rien et se contente de la fixer, une inquiétude marquée dans le regard.
Oxelle se tourne alors face à la porte et quitte la pièce en direction des cris. Elle ouvre la porte de la chambre où elle a laissé les deux enfants et découvre Hyppolyte en train de bercer sa petite sœur pour essayer de la calmer.

-Elle a peur...
-Oui je sais... c'est moi... Je... j'ai fait un cauchemar.

Elle prend le bébé des bras du petit garçon et tous trois retournent dans la chambre de Fidèle. Elle dépose alors le nouveau né sur Nina dont le visage s'éclaircit aussitôt d'un sourire et aide Hyppolyte à grimper sur le lit pour s'y assoir. Nina découvre son sein et aussitôt la petite se met à téter.

-Elle est si petite...
-Mais plus forte que nous tous...

Oxelle cesse enfin de regarder ce spectacle apaisant et se reprend:

-Je dois y aller. Partir chercher de l'aide. Je vais me débrouiller et revenir le plus vite possible.

Elle s'apprête à tourner les talons mais aussitôt Nina la saisit par le poignet.

-Non!
-Qu...quoi?
-N'y vas pas!
-Mais... Nina il faut...

Elle la coupe:

-Non. J'ai dit non. Je ne veux pas. Je ne veux pas être interrogée, qu'on me demande de raconter tout ce qui m'est arrivé ici, être prise en charge par des psys, qu'on me retire peut être même mes enfants, qu'on me shoot aux anti-dépresseurs et que mon histoire fasse le tour du monde.
-Mais enfin Nina... il te faut des soins! Tu en as besoin! Et ta fille aussi!
-Je n'ai besoin de rien. Tu m'as bien soignée, je vais me remettre seule.
-Je ne comprends pas. Qu'est ce que tu veux?
-Je veux qu'on me laisse. Après toutes ces années de torture, je veux simplement trouver la paix...
-Et ta famille?
-Je n'ai pas de famille. J'ai été en foyer. C'est là-bas que j'ai rencontré l'amie avec qui je suis venue ici. Je n'ai personne. Personne d'autre que mes enfants. Tout le monde nous a oublié elle et moi depuis longtemps. Nous ne manquons à personne.
-Que comptes tu faire alors?
-Je vais rester ici.
-Ici?! Mais c'est justement ici que tu as vécu toutes ces horreurs! Et puis il y a... les corps...

Sa voix se brise sur ce dernier mot.
Nina n'en reste pas moins impassible.

-Justement: ils me doivent bien ça! Après tout ce qu'ils m'ont fait j'estime qu'hériter de leur maison est une chose bien infime. J'enterrerai les corps. Et personne ne viendra jamais nous déranger ici. Mes enfants grandiront avec l'océan et la nature, loin de tout tapage médiatique. Je ne veux pas qu'ils deviennent « les enfants nés de l'horreur »!

OxelleWhere stories live. Discover now