Blanche-Neige Online

5. Nuit blanche

J'ai la tête qui tourne lorsque les filles me poussent dans un taxi. Serrée entre leur corps magnifiques et leurs jambes infinies, je me sens prise au piège. Je n'ai pas la force de penser logiquement et j'entends la voix de ma conscience murmurer comme un cri de souris : "Mais qu'est-ce que tu fais, avec ces gens que tu ne connais pas ? "

Je ferme les yeux pour me faire oublier. Tout ceci n'est pas réel, je vais sortir de cette soirée comme d'un rêve. Tout cela n'est jamais arrivé : Fred et Laurine qui s'embrassent, la sorcière qui m'annonce plus de malheur et moi qui me dirige vers un lieu inconnu, avec des filles tout droit sorties de publicités pour la femme parfaite. Je souffle et compte jusqu'à trois, et tout va disparaître.

- Un, deux, tro...

- Enfile celles-là !

- Quoi ?

J'ouvre les yeux. Des chaussures se balancent sous mon nez.

- Mets ces chaussures, tu ne comptes quand même pas entrer au club avec des ballerines ? s'impatiente la plus belle fille du groupe.

Elle me tend des escarpins vertigineux et rouge cerise, depuis le siège passager. La fille à ma droite, une brune avec des cheveux bouclés au fer approuve :

- Roxanne a raison. On ne rentre pas en soirée avec des chaussures de... euh..., la brune fixe mes pieds, ...de supermarché ?

Elle fronce le nez, d'un air dégoûté et Roxanne me jette les chaussures sur les genoux.

- Elles sortent d'où ?

Je les regarde comme un mollusque fixe le soleil.

Ce sont des Rosso, je les reconnais au strass incrusté dans le haut du talon. C'est la première fois que j'en vois des vraies. Laurine a même le livre de Silvio Rosso, le chausseur des stars, et me jurait que la première chose qu'elle se payerait, lorsqu'elle aurait fait fortune, serait une paire de cette marque de luxe.

- J'en ai toujours deux paires dans mon sac, on ne sait jamais... Imagine que je me casse un talon en dansant, m'explique Roxanne très sérieusement.

- Ce sont... des vraies ?

Je les retourne pour voir la finesse du cuir et l'outrageuse semelle compensée. (Jamais je ne pourrais marcher avec ces échasses).

- Bien sûr que ce sont des vraies, pourquoi aurais-je des contrefaçons ?

Elle rit et l'autre brune hausse les épaules, en levant les yeux au ciel. De toute évidence, elles se moquent de moi.

- Shana, t'as pas un top supplémentaire dans ton sac?

- Ah, non ! Je ne fais dans le relooking, moi. (Et la brune avec sa superbe coupe afro croise les bras, énervée de ma présence). Si elle veut venir avec nous, elle s'assume et se débrouille.

Roxanne me fait un clin d'œil, et insiste pour que j'enfile ces souliers hors de prix.

- Avec de jolies chaussures, ton look fera plus chic.

- Si tu le dis, je souffle en regardant dehors.

Les lumières de Paris éclairent l'intérieur du taxi et le profil parfait de Shana se reflète dans la vitre. J'ai conscience d'être une intruse dans leur groupe de fêtards, et cette madone hautaine a l'art et la manière de me mettre mal a l'aise.

Le taxi s'arrête dans la cour intérieure d'un quartier chic, proche des Champs Elysées. J'ai à peine le temps de changer de chaussures, que nous voilà dehors.

Je découvre sans souffler mot, des dizaines de voitures de luxe de marques italiennes ou allemandes avec des écussons sur le capot, que même une néophyte de l'automobile dans mon genre peut reconnaître. Un peu plus loin, une file de gens attend devant une porte rouge, d'où s'échappe parfois de la musique. Shana et Roxanne se dirigent vers leurs amis. Rob leur fait un signe, depuis la porte. Il discute avec le vigile, comme s'il le connaissait et rit en racontant des blagues.

Nous rentrons tous, nous sommes au moins quinze à passer devant toute la queue. Le vigile reste de marbre quand je passe devant lui en disant bonsoir. Une hôtesse nous débarrasse de nos vestes et nous oriente vers un espace, qui surplombe la piste de danse. C'est le carré VIP.

- On ne paye pas l'entrée ? je murmure ma question à l'oreille de Roxanne.

Elle me regarde comme si j'étais une demeurée et je me mords l'intérieur de la joue de ma question ridicule.

- Jamais quand on est avec Rob ! sourit-elle soudain.

Son regard se fait plus doux et elle me prend par l'épaule.

- As-tu une idée des personnes qui sont là ce soir ?

- Comment ça ?

- Tu ne sais pas qui je suis ? Qui est Rob et qui sont les autres, n'est-ce pas ?

- Comment ça, "qui ils sont" ? Vous êtes des célébrités ?

Elle rit.

- Non, pas vraiment. Dis-moi plutôt ce que tu faisais au bar ce soir.

Je la regarde. Elle est si belle avec ses longs cheveux blonds, que j'en ai le vertige. Je n'ai pas envie de lui raconter ma vie, surtout mes misérables aventures avec Laurine et mon mec. Mais je ne sais pas bien mentir non plus. Je décide de rester évasive.

- Je suis rentrée là pour boire un verre et me remonter le moral.

- Et Rob ?

- J'ai croisé Rob en allant aux toilettes, c'est tout.

- Typique de lui... marmonne-t-elle. Écoute, les gens qui sont ici ne sont pas forcément des gens biens, alors fais la fête ce soir, bois tout ce que tu veux, danse à t'en faire mal aux pieds, mais demain retrouve ta vie. C'est mieux pour toi, ok ?

Je fais ce que je veux, je n'ai pas à me faire dicter ma conduite. Mais je vois à son air concerné que ce conseil n'est pas méprisant. Elle ne cherche pas à me rejeter, juste à être gentille à sa façon. Elle me sourit et pose sa main sur mon épaule, comme le ferait une grande sœur. Son geste me laisse perplexe.

- Vraiment, c'est pour ton bien !

- Oh ! Blanche-Neige ! hurle Rob passablement éméché, depuis un canapé de l'espace VIP. Viens boire avec nous ! Levons nos verres à la santé de ma nouvelle copine ! Woéééé !

Je ris, il est carrément éméché ! Et je suis assez près de l'être aussi, sinon je ne sourirai pas en retour à ce parfait inconnu dans ce lieu tout aussi inconnu. Je dois me remettre à l'eau rapidement.

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Bienvenue dans la folle nuit de Blanche ! La suite rapidement !

J'espère que ça vous plaira.
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