47. La vengeance pour les nuls ?

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Le lendemain matin, devant un bol de café noir, je fulmine... Comment éviter tout cela ?

Roxanne arrive dans une robe évasée, taille Empire, qui la fait ressembler dès l'aurore à une déesse antique.

— Ça ne va pas ? demande-t-elle en croquant dans un cupcake.

Je soupire.

— Je peux te poser une question ?

— Mmmh, fait-elle la bouche pleine de gâteau. Laisse-moi deviner : tu as essayé de refuser d'aller à la soirée et Matthias t'a opposé des arguments tellement logiques que tu n'y es pas arrivé.

— Comment le sais-tu ?

Elle hausse les épaules en se servant une tasse.

— Typique de lui, elle souffle sur son café.

— Il m'a dit que connaître les mensurations des gens en un clin d'œil faisait partie de sa formation. C'était une blague, n'est-ce pas ?

— Oh, non ! C'est bien sa formation. Enfin, disons plus sa déformation...

— Hein ?

— Tu sais qu'il doit hérité de la GoldMine, tu connais l'agence ?

— Tout le monde la connaît. On dit que c'est une véritable « mine d'or » dans le monde de la mode. Ils font même des castings sauvages dans la rue et des concours annuels pour trouver les visages de demain. Ils sont toujours à la pointe de la nouveauté et des tendances.

— C'est le père de Matthias qui la dirige, le jeune Matt y a passé son enfance. Il connaissait tous les bookers, les mannequins et leurs mensurations. Il a aussi un esprit très... mathématique, si je peux m'exprimer ainsi. Disons, qu'en un clin d'œil, il est capable de savoir la distance entre la table de la cuisine et la baie vitrée de la terrasse. Ne prends pas personnellement le fait qu'il sache tes mensurations, dans sa tête on est tous des données chiffrées.

— Oh, pas étonnant qu'il soit dans la tech, alors. Il m'a aussi dit qu'il viendrait me chercher avec son destrier blanc. Mais ça, c'est bien une plaisanterie, rassure-moi !

Je la fixe, espérant qu'elle va démentir : l'équitation je n'y connais rien.

— Oh ! Vous y allez comme ça ? C'est une bonne idée. Ça vous évitera les embouteillages. Et puis, c'est plus rapide.

— Plus rapide à cheval ?

Roxanne éclate de rire.

— C'est un cheval très spécial, mais je ne vais pas te gâcher la surprise.

Son téléphone sonne et elle s'éloigne avec sa tasse en main.

Je sors mon portable de ma poche et, par curiosité, je tape « Matthias Duval », « Rob Duval » et « GoldMine » dans le moteur de recherche d'Internet.

Des centaines de photos s'affichent. Des articles de magazines, des posts de réseaux sociaux et des pages de fans apparaissent. Tellement d'images que ça me glace le sang. Ils sont plus que connus, ils sont surexposés.

Sur les photos, on voit Matthias adolescent. Il a un regard sévère en fixant les objectifs, mais d'une douceur extrême quand il pose sur les photos de la marque Rosso avec une jeune fille blonde. Je reconnais immédiatement Roxanne. Elle n'a que treize ou quatorze ans et elle est déjà très belle. Il n'y a aucune photo récente de Matthias, à part sur un article de presse titrant « Le retour du fils prodigue de la GoldMine ! Quel avenir pour la plus grande agence de mannequinat mondiale ? »

On y explique que mon patron a totalement disparu de la sphère médiatique vers ses quinze ans pour faire ses études à l'étranger. Rien d'autre ne filtre jusqu'à aujourd'hui. Le voilà donc, à vingt-quatre ans, prêt à fondre sur l'entreprise pour en reprendre la direction. On annonce une lutte acharnée entre les deux héritiers. Les préférences du conseil d'administration et de la famille fondatrice semblent aller dans le sens du plus jeune fils : Rob Duval.

Je regarde ce qui circule sur le cadet. Je souris en voyant Rob enfant : il était déjà super mignon. On le voit faire coucou aux caméras et poser avec Roxanne pour la marque Rosso. Je fais défiler sur mon écran, une partie de son enfance dans la sphère privée, puis de son adolescence. Sa vie se déroule sous les caméras. On le surnommait « le petit prince de la mode », puis depuis sa majorité, l'an dernier : « le prince des fêtards ». Sur chaque photo, il est accompagné d'une ribambelle de belles personnes, toutes mannequins pour la GoldMine. On lui prête un nombre incalculable de conquêtes d'un soir lors des soirées privées dans le monde entier.

Rob serait donc un séducteur ? Il sourit sur les photos, mais c'est un sourire étrange. Un sourire « ultra bright » qui me semble factice. Très différent de la manière dont il me sourit timidement. J'ai l'impression de voir une personne que je ne connais pas. Je dois me rendre à l'évidence : nous ne sommes pas du même monde. Je me sens un peu mal. Quelque part, je le savais déjà.

Est-ce que, dans tout cela, on voit la dénommée Camille dont tout le monde semble taire l'existence ? Je ne vois jamais la même fille sur les photos. Peut-être n'est-elle pas une personnalité publique comme Rob et son frère ?

Je soupire en éteignant mon téléphone.

D'un côté, je dois aller à cette soirée, je l'ai promis à Matthias. D'un autre, je ne dois rien à Rob, mais j'aimerai qu'il sache que je ne fais pas ça contre lui. Si j'ai accepté l'invitation à la base, c'était pour coincer Laurine.

Comment faire une fois face à elle ? Comment la confondre et qu'elle s'excuse, qu'elle admette publiquement que le travail dont elle se réclame la créatrice est en réalité le mien ? Je me gratte le cuir chevelu en soupirant. Je n'ai aucun plan, j'ai agi par colère en dépit de toute logique. Je suis nulle question vengeance, pas de doute. Jay a raison, jamais je ne serai mauvaise. Et ça craint ! Peut-être que j'ai besoin des lumières de Matthias pour me faire un cours sur la « vengeance pour les nuls » s'il est aussi doué que ce que Rob prétend et aussi intelligent que Roxanne le pense.

Blanche-Neige OnlineWhere stories live. Discover now