7. Le cœur dans un écrin

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Je reconnais le pont que nous traversons. Il est connu pour ses grilles couvertes de cadenas que les amoureux du monde entier viennent y accrocher. Jay, Roxanne et les autres rient et prennent des selfies. Je reste un peu en retrait en m'accoudant au parapet pour observer la lune qui se reflète dans la Seine. J'ai la tête qui tourne, mais je ne suis pas euphorique comme le reste du groupe. Je sens le vague à l'âme monter après tous ces évènements.

Que font Laurine et Fred en ce moment ? Je n'ose pas regarder mon téléphone. M'ont-ils appelée ? Sont-ils inquiets ? Ou au contraire, soulagés d'avoir évité une confrontation, des explications, ma peine...

M'enfuir comme ça était très immature. Pourtant, la colère est toujours tapie au fond de mon estomac. Elle ne part pas. Je n'arrive pas à me calmer. Je m'accroupis devant les cadenas qui sont attachés aux grilles. J'en prends un du bout des doigts. L'amour, qu'est-ce que c'est ? Est-ce que c'est pur et éternel ? Est-ce une promesse de rester toujours ensemble ? Est-ce que je peux accepter que Fred et Laurine ressentent cela l'un pour l'autre ?

L'amour...

— Qu'est-ce que c'est ? murmuré-je pour moi-même.

— De toute évidence, ceci est un affreux cadenas ! me répond Rob.

Je sors de mes pensées. Il se penche, puis s'assoit à mes côtés. Jay et les filles, tout au bout du pont, se chamaillent gaiement. Nous sommes trop loin pour entendre leur conversation.

— Tu déprimes un peu ? Tu as trop bu ?

— Je réfléchissais, c'est tout.

— Donc..., reprend-il un peu taquin, ceci est un cadenas. On s'en sert pour fermer des coffres, ou des carnets intimes, ou bien ton vestiaire à la piscine. Voilà : la leçon est terminée.

Je fais la moue.

— Je sais à quoi sert un cadenas, merci. Je me demandais ce que c'était que l'amour. Et si je pouvais accepter tous les genres de sentiments amoureux.

— Oulala... Philosophons tant que nous sommes saouls ! Examinons tout cela logiquement. De toute façon, demain, on ne s'en souviendra plus !

Rob semble prendre cela à la légère, mais je ne sais pas si je peux vraiment y croire. Son attitude joyeuse a parfois quelque chose de forcé.

— Si l'amour était un cadenas, on s'en servirait pour camoufler de mauvaises choses dans un bel écrin, me dit-il tout bas. C'est une vaste supercherie pour nous faire croire au bonheur.

— Tu ne crois pas à l'amour ? je m'étonne.

— Non, répond-il en haussant les épaules d'un air triste. L'amour, c'est pour les gens sincères au cœur pur. Je ne suis pas une gentille personne. Je ne comprends pas ce sentiment... L'amour, je le laisse aux autres.

— Un peu sombre, ton commentaire, pour un joyeux fêtard, non ?

— N'y fais pas attention. Mais toi, tu n'es jamais tombée amoureuse ? N'as-tu jamais été en couple ?

— Je me le demande, je soupire en pensant à Fred et à sa trahison.

— Est-ce qu'un chasseur garde ton cœur dans un écrin, Blanche-Neige ? Si ce n'est pas le cas, tu es libre de faire tes propres choix et de sortir avec qui te le souhaites, même un bref instant.

Il pose son regard bleu sur moi avec insistance et je détourne brusquement le mien vers la Seine, que l'on voit au travers des grilles.

— Je ne sais pas, dis-je calmement. Moi, j'aimerais croire en un amour permanent. Je préfère faire des efforts pour rester avec la même personne, et pour toujours.

Je pense à mes parents qui se disputaient quand j'étais enfant, à leur divorce compliqué. Je ne veux pas reproduire la même chose. Je souhaite être différente. Vraiment !

— C'est assez irréaliste, commente Rob en se relevant. Je ne crois pas que l'amour se maintienne juste en faisant des efforts. Les amoureux qui accrochent ces cadenas jettent ensuite la clé dans la Seine, ça me fait bien rire : ce n'est pas parce que tu enfermes ton amour à double tour qu'il va rester intact. Parfois les sentiments changent, parfois ils sont incompréhensibles, parfois ils sont méprisables ou non souhaitables.

— Non souhaitables... Oui, c'est un peu ça.

Je pense à mon Fred et Laurine... J'ai beau retourner la question dans ma tête, je déteste toujours autant leur couple. Fred m'a-t-il jamais aimée ? Laurine m'a-t-elle jamais respectée, m'admirait-elle autant que je l'admirais ?

— Si c'est ça l'amour, alors je n'en veux pas.

— Allons, Blanche-Neige, reste ouverte aux possibilités qui s'offrent à toi. Peut-être que nous allons trouver ton prince charmant. « Un jour ton prince viendra », se moque-t-il en fredonnant, mais il se peut qu'il ne reste qu'une nuit.

— Un prince d'une nuit ? Non, merci !

— Ha ha, tu es une romantique ? Très bien, je respecte ça !

Il lève les paumes vers le ciel et hausse les épaules avec une moue de petit garçon déçu. Ce type est atrocement charmant. Même moi qui ne regarde pas les garçons, je ne peux m'empêcher de constater son côté adorable et un peu mystérieux, que sa jovialité permanente ne peut cacher complètement. Avec ses cheveux châtains qui tombent de temps à autre sur ses yeux d'un bleu si sombre et sa petite fossette au coin des lèvres, je comprends ce que les filles de la bande lui trouvent et pourquoi elles le suivent partout.

— Puisque je ne peux pas être ton prince d'une nuit, permets-moi de devenir ton nain préféré !

Il me tend la main pour m'aider à me relever. Je la prends, sa paume est chaude et douce.

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J'espère que tout le monde a compris la référence au Disney et au conte : quand la méchante reine demande au chasseur de lui ramener le cœur de Blanche-Neige dans un écrin/coffret.

N'hésitez pas à me dire si ça vous plaît ou vos ressentis. J'ai hâte que vous lisiez la suite. Je pense poster un à deux chapitres par semaine. N'hésitez pas à vous abonner pour être au courant !

Blanche-Neige OnlineWhere stories live. Discover now