44. Invitation

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— Blanche, est-ce que ça va ?

Rob entre, paniqué dans le salon.

Il pose la trousse à pharmacie sur la table basse devant moi et s'agenouille sur le tapis. Sa main se tend vers mon visage, dégageant avec une douceur infinie une mèche de cheveux qui retombe sur mes yeux.

Ses yeux ne se détachent pas des miens. J'y lis de l'inquiétude et des sentiments auxquels ne suis pas habituée.

Je n'ai pas oublié l'indifférence qu'il affichait chez mon patron à mon égard, sa colère suite à l'invitation de Matthias, et son brusque changement de comportement me dérange au fond. Il m'ignore, puis me revient comme si de rien n'était.

Devrais-je être plus méfiante ? Je n'ai rien contre Rob. Je ne veux juste plus être la victime d'affreux mensonges, comme avec Fred. J'ai eu ma dose.

— Que fais-tu ici ? je demande en serrant le poing sous lequel battait son coeur, hier encore.

Rob prend une compresse dans la trousse à pharmacie et l'imbibe de désinfectant, ignorant ma mine défaite et mon silence.

— Je m'inquiètais. J'ai croisé Jay dans l'allée.

Il pose doucement la compresse sur ma jambe, ses doigts effleurent légèrement ma peau. Il est concentré ou évite consciencieusement mon regard, je ne sais pas.

Je l'observe à la dérobée, ne sachant pas comment réagir devant son attitude si attentionnée. J'attrape ma couverture et la serre sur mes épaules. Pourtant, je n'ai pas froid. J'ai même brusquement très chaud et mes jambes tremblent un peu, trahissant l'envie que j'ai qu'il me prenne dans ses bras.

Il me trouble tellement.

Je veux le mettre à distance. De mon cœur, de mon corps, de mon esprit qui pense trop à lui et à ses yeux d'un bleu si profond. Ai-je menti en disant que je voulais qu'on sorte « juste entre amis » ? J'ai peur de mon cœur.

— Je peux le faire moi-même, dis-je en lui prenant la compresse des mains. Tu peux retourner à tes occupations. Je suis une grande fille.

— Blanche... Je voulais juste t'aider.

Sa voix se casse lorsque nos yeux se croisent. Je cache mon malaise.

— Ça va, maintenant. Je vais me débrouiller seule, j'ai l'habitude.

— Blanche, je suis désolé de t'avoir ignorée devant mon frère. La situation est compliquée et...

— Tu n'es pas obligé de m'en parler. Tu ne me dois rien.

Je commence à désinfecter mes genoux. Le produit pique un peu, mais les larmes que je retiens n'ont rien à voir avec cette douleur infime. Qu'est-ce qui me prend de lui faire des reproches ? Pourquoi est-ce que je ne peux pas accepter simplement sa gentillesse ? Peut-être parce qu'elle me paraît feinte. Parce que j'ai peur de voir se répéter ce que j'ai vécu avec Fred. Je ne veux pas m'attacher à quelqu'un juste parce qu'il aurait été un peu « gentil », ou juste parce qu'il m'aurait accordé un peu d'attention. Rob est un séducteur. Je le sais depuis notre première rencontre. Je me souviens encore de sa manière de danser avec toutes ces filles en boîte de nuit. Je ne veux pas être une de ses conquêtes et ajouter mon nom à la longue liste de ses aventures sans lendemain.

Mon cœur n'est pas fait d'acier. Je suis la seule à pouvoir le préserver d'une nouvelle fêlure. Je ne veux plus de désillusions. Peut-être queb Rob avait raison sur ce pont, peut-être que mon coeur est enfermé dans un coffret verrouillé dont j'aurais moi-même jeté la clé.

Être avec Rob est trop dangereux pour moi. Je ne suis pas de taille. Mes sentiments sont toujours sincères, je ne sais pas jouer comme les autres. Je ne connais pas les codes de la séduction, je ne sais pas plaire, je déteste l'idée de flirter. Tout cela est une supercherie que je n'ai jamais comprise. La seule autour de moi qui en maîtrisait parfaitement les techniques, c'était Laurine. Mais la voir tirer les fils de ses relations amoureuses ne m'a pas appris à en apprécier les subtilités. Ça ne m'intéresse pas. Je passe mon tour.

Blanche-Neige OnlineWhere stories live. Discover now