Blanche-Neige Online

50. Dans son château merveilleux

Matthias a été débordé dès notre descente d'hélicoptère. Les organisateurs de la soirée l'ont entraîné dans leur réunion de dernière minute pour peaufiner quelques détails. Roxanne a été happée par sa responsable presse et un homme de son service financier, tandis que Stella est montée se changer dans une chambre. Mon patron m'a demandé de coucher Théo et, maintenant qu'il dort, je me sens un peu désœuvrée.

D'ailleurs, où suis-je ? Je ne reconnais pas ces tableaux ni ce couloir. Par où suis-je passée ? Je me penche par la fenêtre du deuxième étage. L'arrière du château s'ouvre sur une immense propriété verdoyante. Je vois au loin une forêt et, sur le côté, je sens la fraîcheur que nous apporte l'eau de la Loire par ce début de soirée d'été.

Les ombres des objets se déploient sur mon passage, comme autant de fantômes tristes d'un passé oublié. Je crois que je me suis perdue. J'entends une porte claquer au loin. Au bout d'un couloir tendu de bleu, gardé par des rangées d'armures vides, j'arrive finalement à un embranchement avec trois couloirs au choix. Par où passer ? Dois-je rebrousser chemin ?

Une voix de femme résonne sur la gauche. Oh non ! Je ne suis pas prête à supporter ça : Laurine se dirige droit sur moi, en parlant au téléphone. Je ne veux pas la voir ! Instinctivement, je me plaque contre le mur. Cachée derrière une armoire en bois massif, je retiens ma respiration pour qu'elle ne m'entende pas. Je ferme les yeux et me concentre pour me calmer. Je n'ai aucune envie de faire la conversation à cette traîtresse. Quand j'ouvre les yeux à nouveau, le silence semble revenu. Je me précipite dans le couloir d'en face, mais me cogne aussitôt contre quelque chose que je n'avais pas vu.

Je me frotte le nez en espérant ne rien avoir de cassé, et lève les yeux. Bien que la matière sur laquelle je viens de buter me semble tout à fait reconnaissable et non dangereuse, j'ai un brusque mouvement de recul quand je comprends que je ne suis pas rentrée dans un objet mais dans une personne.

— C'est ta manière peu subtile de me faire du rentre-dedans ?

Jay me fixe de toute sa hauteur. Qu'est-ce qu'il fait ici ?

Je soupire.

— Mais non, Jay.

Il se penche vers moi et pose son index sur mon front, en me donnant un petit coup qui me fait reculer d'un pas.

— Tu es vraiment une prise de tête à toi toute seule, tu sais ça ? Quand je pense que nous avons fait toute cette route depuis Paris alors que j'avais prévu de passer une soirée loin de toutes ces simagrées ! J'ai l'impression de devoir courir après une petite sœur désobéissante !

Il se frotte l'arrière de la tête en levant les yeux au ciel.

— Je n'y suis pour rien ! je rétorque. Je ne t'ai quand même pas traînée ici !

— Voyons, soupire-t-il, tu veux jouer avec les frères Duval, alors tu devais t'attendre à ce que je sois dans les parages ! Rob, elle est là ! clame-t-il alors que je me raidis à la simple idée qu'il y ait quelqu'un derrière moi. Matthias ne l'a pas fait griller ni empailler ! Si tu es rassuré, j'aimerais que nous repartions à présent.

Je me retourne. Rob me fixe sans bouger. Il est donc venu quand même ?

— Donne-nous deux minutes, Jay ! Pourquoi n'irais-tu pas piquer une tête dans la piscine en attendant ?

— Ouais, je vais faire ça ! Autant rentabiliser notre voyage ! Jay tourne les talons.

Je regarde le garçon et son blouson de cuir s'éloigner. J'ai peur de me retourner et de parler à Rob. Est-il encore fâché ? Je ne veux pas recommencer une dispute...