Blanche-Neige Online

20. L'appel du Chasseur

Ma main se met à trembler quand j'entends la voix de mon ex. Ce n'est qu'un message sur le répondeur, pourtant mon cœur s'emballe.

- Blanche, c'est Fred. J'espère que tu vas bien ?

Non, je vais mal !

J'aimerais hurler ma peine, lui dire qu'il m'a trahie, menti. Mais ce n'est qu'un message impersonnel qui traîne sur une boîte vocale. Il ne s'agit pas de mon ex, c'est juste sa voix enregistrée.

- Je suis sûr que tu peux comprendre la situation.

Non, pas du tout ! Dis-moi que tu regrettes, tout de suite. Dis-moi que tu m'aimes. Dis-moi que c'était un malentendu, que tu ne sors pas vraiment avec Laurine. Fred, dis-moi que tu ne me mentiras plus.

- Laurine me dit que tu as besoin de temps pour réfléchir et que tu es partie. Je comprends très bien.

Non, tu ne comprends rien : Laurine t'a menti. TU m'as menti.

Je ravale ma salive. Il ne s'est jamais intéressé à moi. Je ne suis que la victime des manigances de sa nouvelle chérie. Je suis à la rue, je n'ai nulle part où aller.

- Je vais aussi prendre un peu de recul. J'ai trouvé un nouveau job, justement.

Mais quel rapport ?

- On m'envoie comme photographe free-lance dans les Alpes pour quelques jours. Je ne serai sûrement pas joignable en montagne, alors nous rediscuterons de tout ça à mon retour.

Quoi ? Mais, et moi ?

- Je suis à la gare en ce moment, j'embarque dans quelques minutes. On se reparlera à mon retour. Prends le temps qu'il faut pour réfléchir. Laurine part également pour son nouveau stage toute une semaine, elle a besoin de décompresser un peu. À bientôt. Ah ! Et, au fait, j'ai vu que tu étais sur Pomme-d'amour. Je m'y suis inscrit aussi. Ajoute-moi à ta liste de contacts !

« Fin des nouveaux messages. Pour sauvegarder taper 1, pour... », clame la voix automatisée du répondeur.

Je raccroche et fixe le plafond. Fred prend la poudre d'escampette pour éviter de se justifier... Pourquoi est-ce que ça ne m'étonne pas ? Il faisait déjà ça en classe. Quand il y avait un travail de groupe, il s'absentait dès qu'il y avait des tensions sur les détails du devoir entre les étudiants. C'était moi qui réglais tout, et qui lui trouvais même des excuses. C'était sa technique. Il fuit encore. J'ai beau essayer de lui trouver des excuses encore une fois, c'est trop pour moi. Et Laurine qui lui dit que je suis partie décompresser ! Et ce crétin qui ne dit rien !

Comment Fred sait-il que je suis sur Pomme-d'amour, d'ailleurs ? Ah oui ! J'ai rechargé mon portable sur son ordinateur. Fred n'a pas dû se gêner pour regarder mon portable et, comme je laisse toujours mon dernier site visité en mémoire.... Il est sans gêne et intrusif en plus!

Je n'ai jamais été aussi seule de toute ma vie. Je ravale les larmes qui montent. Je ne peux pas être triste pour toujours, je ne peux pas me laisser aller. Je dois prendre sur moi, surmonter tout ça. Si je m'écroule, que vais-je devenir ? Je ne peux compter que sur moi-même en ce moment. Il faut que je me trouve un endroit où vivre. Je ne peux pas rentrer chez moi, je n'ai pas les clés et Laurine n'est pas là pour que les lui réclame. J'ai de quoi me payer un hôtel pour une nuit, mais pas plus. C'est trop cher à Paris. Et comment me nourrir aussi ? Et pourquoi je pense à des choses aussi terre à terre que manger et dormir quand tout mon univers s'écroule ?

Je regarde mon téléphone et vois Fred en demande d'ajout à ma liste de contacts. Si, comme me l'a dit Jay, il y a une fonction GPS, alors je saurai tout de suite quand il reviendra sur Paris. Sa photo de profil change discrètement, elle devient toute floue et soudain il apparait avec un habit vert du moyen-âge. Son miroir magique s'affiche désormais avec le nom

« Le Chasseur ».

Hein ? Les avatars changent encore d'un coup ? C'est une plaisanterie ?

En regardant de plus près, je vois que Rob est toujours sous sa forme de nain « Joyeux ». Quant à Roxanne, il n'y a que son nom, pas de photo de profil pour le moment.

Je m'agenouille entre les portants pleins de robes et de chemisiers du dressing de Roxanne. Je lève les yeux, désespérée, et j'observe tous ces habits de luxe qui pendent au-dessus de ma tête. C'est incroyable.

Je ne pensais pas qu'un dressing de cette taille puisse exister. Comment une seule personne peut-elle posséder autant de chaussures ? Je me lève et j'observe les Rosso alignées par couleurs et hauteurs de talons, comme des bijoux dans leur écrin. Roxanne est-elle une obsédée des chaussures ? Ça me fait sourire.

J'aimerais en apprendre plus sur elle. Je voudrais être une amie digne d'elle. Je l'aime déjà, et pourtant on ne se connaît pas beaucoup. Elle m'a organisé ce brunch blanc et moi, je me suis évanouie... Je n'assure pas du tout. Je voudrais m'excuser. Peut-être que je pourrais lui offrir quelque chose. Mais de quoi a besoin quelqu'un qui semble tout avoir ? Quel cadeau pourrait lui faire plaisir et lui montrer à quel point je lui suis reconnaissante de son amitié ? Pas la peine d'espérer lui acheter une nouvelle paire de chaussures. Il me faudrait un salaire décent pour lui acheter des Rosso, et je n'ai que quelques dizaines d'euros sur moi. Je voudrais aussi lui offrir quelque chose de personnel. Je ne sais pas faire grand-chose, je n'ai pas d'argent... Je suis juste douée pour faire des dessins... Oh, mais oui, ça c'est une idée ! Ce n'est peut-être pas l'idée du siècle, mais je le ferai avec tout mon cœur. J'espère qu'elle acceptera.

Tandis que je longe les étagères, mon regard s'accroche à un cube de verre dans lequel sont exposées des chaussures rouge cerise. Ce sont les mêmes que celles que Roxanne m'a prêtées pour aller danser hier soir. Un petit papier est posé à côté. Mais c'est...

Merci pour tes chaussures, ce sont les plus belles que j'aie jamais portées.

Cette nuit, je me suis sentie comme Cendrillon au bal. Comme tu me l'as conseillé, je retourne à ma vie aujourd'hui. Je n'oublierai pas ta gentillesse.

Blanche

C'est le petit mot que j'ai laissé avec les chaussures en partant de chez Rob. Pourquoi a-t-elle tout mis sous verre ?

Je tends la main vers les chaussures.

- Ça va mieux ?

Je sursaute. Rob, une épaule posée sur le bord de la porte, me regarde.