À papa

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Tu as toujours la mine triste et sauvage

Quand du bout des lèvres

Tes enfants racontent

Leur enfance,

Tu te sais y avoir été une ombre,

Fantôme de passage

Aux mains lourdes et gauches

Mais câlines

Du mieux qu'elles le pouvaient.


Tu sais que tes absences ont rythmé la vie

Tout autant que tes présences,

Tu sais que les jours du calendrier

Passaient lentement,

Quand loin du foyer

Tu attendais d'enfin pouvoir y retourner,

Et puis, tu les regardes l'air fatigué

Tes marmots qui piaillent fort à l'approche de Noël

Certaines choses n'ont pas changé,

Mais tu ne peux pas le constater,

Tu ignores les jours de décembre

Qui ont charmé les cœurs d'enfants.

Alors tu chéris doublement ceux à venir,

Parce que tu nous sais vieillir,

Après tout,

Tes mains sont des rivages

Où les vagues du temps

Esquissent

Quelques rides.


J'en chéris chaque aspérité,

Elles sont belles les mains de papa,

Je sais qu'elles auraient fait n'importe quoi pour moi,

Elles n'en ont pas eu besoin ;

Maman veillait jour et nuit.

Ses yeux sont des forêts,

Leurs ramures immenses n'égalent en rien

L'amour qui s'est enraciné dans son cœur.


Ne regrette rien, papa,

Regarde, j'ai appris à marcher sans toi,

Les bras écartés, je tangue encore, il est vrai,

Mais je souris comme tu me l'as appris,

Je ris d'un rien,

Je chéris ce qui compte vraiment,

Le présent,

La poésie fugitive,

L'éclat du monde,

Le bleu du ciel

Et les battements trépidants de mon cœur.


Regarde, papa, je ne tremble plus autant qu'avant,

J'ai calmé mon cœur,

J'ai asséché mes peines,

J'ai appris à danser quand mes pas devenaient trébuchants

Entraînés par la vie, je laisse le mouvement du monde

M'emporter vers ce qui étincelle,

Je chérirai le moindre de mes sentiments,

Regarde, papa,

Toi, qui sait qu'autrefois...

Regarde, je veux vivre.



Le silence comme trésor,

Je veux vivre.



Chérir ce que j'ai de plus singulier

C'est toi qui me l'a appris,

Ton amour comme armure,

Ceux qui ne me comprennent pas se fanent,

Ne fleurissent que ceux qui me voient vraiment,

Les autres, mon cœur n'est plus capable de les apercevoir.


Tu m'as appris le mot éphémère, un beau matin,

Le soir lui a donné toute sa splendeur,

Je le chéris comme un talisman,

Le temps qui me parcourt et s'enfuit,

J'en savoure l'étreinte fugitive,

Je sais que je n'ai pas le temps de souffrir,

La vie est trop courte pour demeurer loin de ce qui compte,

Pas vrai, papa ?


Regarde, papa, je sais combien tu m'aimes,

N'aies crainte,

Tu me l'as montré bien plus que tu ne le crois.

Ne crois pas que tu aies moins compté

Bien que tu n'aies pas toujours pu être là.

Ne t'inquiète pas,

Ils ont veillé sur moi quand tu ne pouvais pas.

Nous sommes décidément les enfants d'une belle promesse.

Poésie fugitiveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant