Le jour où je t'ai fui

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Le jour où je t'ai fui,

J'ai fait couler de l'eau dans ton cœur,

Je l'ai noyé d'un truc sale et méconnu,

Un truc que tu n'avais jamais aperçu

Un truc que je cachais bien

Un truc dont je t'avais jusqu'alors épargné.


Le jour où je t'ai fui,

J'ai sans le savoir,

Déverser toutes mes peines dans ta poitrine,

J'ai craché toute la crainte et la colère,

J'ai délaissé tout ce qui comptait

Pour abandonner tout ce qui pourrissait.

Le jour où je t'ai fui,

Ce n'est pas vraiment ton visage qui m'effrayait,

C'est l'ombre de tous ceux qui t'avaient précédé.


Le jour où je t'ai fui,

J'ai scellé la porte,

Dis adieu à de vieux problèmes,

Il fallait tout détruire une ultime fois,

Ce qui se passe bien ne s'est jamais bien passé,

Tu comprends ?

Ce qui se passe bien n'a jamais été qu'illusion

Ceux qui m'aiment ont des lèvres couleur poison

Des mots doux à crever le cœur

Des yeux beaux à en tourner la tête

Ceux qui m'aiment m'aiment à m'en tuer,

Tu comprends ?


Le jour où je t'ai fui,

Je crois qu'une part de moi

Voulais savoir si je regretterai.

Je crois qu'une part de moi

Avais profondément besoin de commettre l'erreur

Pour s'assurer que c'en était une

Je crois qu'une part de moi ne pouvait accepter

Que tout se passe bien,

Il fallait un peu de bordel

Un peu de désespoir

Un peu de détresse

Un peu de poison

Sinon, ce n'est pas ma vie,

Tu comprends ?


Il fallait que ça aille mal

Sinon je n'irai jamais bien,

Tu comprends ?


Et puis, les jours et les mois passent,

Les ombres de ce temps-là sont mortes

Tu les as emportées avec toi,

Tu n'étais pourtant pas l'une d'entre elles.

Mais d'autres ombres sont nées ce soir-là

Elles portent ton visage cette fois

Elles sont plus cruelles

Elles aiment à raconter que je t'ai perdu

Que je t'ai perdu en te faisant mal

Que je t'ai fait mal en allant mal

Que je vais mal parce que je t'ai perdu.

Au point que je ne sais plus

Si tout a commencé ou fini par la douleur.


Je n'ai pas su t'aimer ;

Parce que je n'ai pas su m'aimer.


Comment survit-on à ce genre de constat ?

Ils sont trop froids, trop amers, trop lucides.


T'ai-je fui parce que tu aurais pu me rendre heureuse ?

T'ai-je fui parce qu'il était trop tôt pour que j'accepte d'aller bien ?

T'ai-je fui parce qu'ayant déjà eu mal, ta présence m'a blessé ?


Les souvenirs sont flous comme des méduses,

Ils flottent loin sous la surface de ma conscience

Les frôler serait douloureux,

Ne vaut-il pas mieux les laisser s'égarer dans l'océan ?


Je t'ai fui,

Je ne veux plus me torturer à me demander si j'ai eu tort,

Les actes une fois commis ne sont plus des possibilités

Ils ont l'étrange solidité propre aux réalités,

Ne reste plus qu'à les constater.

Je t'ai fui, je t'ai perdu, je t'ai aimé,

Je t'ai fait du mal,

Je ne veux plus que les ombres aient ton visage,

Reprend-leur,

Peu importe ce que ces mots signifient,

Reprend-leur, s'il-te-plait,

Peu importe ce qu'il advient de toi, de moi, de tout

Je t'en prie, reprend-leur ton visage.





Poésie fugitiveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant