Ma déraison

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La vie s'égrène avec une lenteur fantomatique

Les jours tombent, lourds et ballants,

Pourtant les années s'esquivent

Comme des courants d'air

Leur nom à peine murmurer

Les voilà délavées

Le temps nous abîme,

Mais je crois que plus j'ai le cœur abîmé,

Plus je peux écrire,

Alors une part de moi s'en fout,

Quand j'écris,

Cette part l'emporte sur le tout,

Alors, le tout crève d'écrire,

Mais il aime ça

Et puis, tout se noie

Quand la dernière goutte d'encre

Tombe

Et que le papier la boit,

Ivre de mes mots,

Il gondole

D'un truc suave

Et inachevé

Qui me poursuit

Et le condamne,

Mais nous donne à tout les deux

Une raison déraisonnable de vivre

Que l'on chérit si fort

Que tout à coup

Le ciel lui-même gondole.

Les étoiles ne sont que des ivrognes,

Elles ne se tiennent droites

Qu'aux heures du poète

Quand le monde devient bancal.

Je crois que certains soirs,

Ce que j'esquive me dévore,

Ce que j'esquisse me compose

Ce que j'aime me tue,

Ce qui me tue me sauve

De ce qui m'aurait condamnée.

Étrange ballet,

Danse silencieuse,

Les mots que j'écris n'étaient pas voué à être prononcés,

Leur sens fleurit au bout de mes doigts

Et se fane dès lors que l'oubli ronge mes yeux qui se ferment,

La nuit boit mes prières et distille mes rêves,

Ne restera à l'aube

Que des mots.

L'éphémère lumière noire se sera éteinte,

Le sens fugitif se sera disloqué comme une météore,

Le ciel incendié par sa beauté

Aura retrouvé les couleurs du jour

Tout ce que j'aurai chéri m'aura fui,

Alors, j'attendrai

J'attendrai que ce foutu sentiment de poésie

Revienne me hanter,

Dusse-t-il toujours me quitter

Dès que les mots se taisent.

J'en chérirai chaque fragrance,

Il est ma déraison de vivre.


Poésie fugitiveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant