Prologue

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Cinq ans auparavant...

Cette nuit fut une des plus agitées. Mais, elle fut aussi de toute évidence celle qui marqua le début d'une quête longue et périlleuse.

Je vis Nikolaï, mon frère, au sein du Volcan du Dragives. Il combattait à l'arme blanche contre quelqu'un, dont je ne pouvais percevoir le visage, puisque j'incarnais cette personne. Nikolaï paraissait si effrayé. À force de lutter, il chuta mortellement après un énième coup, dans la lave qui l'attendait quelques mètres plus bas.

Je me suis réveillée en sursaut, face à ses cris d'horreur, essoufflée et en sueur. J'ai allumé alors la lampe de chevet tout en m'essuyant le visage, toute tremblante. Ce ne semblait en apparence qu'un mauvais rêve. Cependant, j'ignorais pourquoi, mais il paraissait si réel. Ce cauchemar semblait être bien plus. Plus qu'une prémonition, une vision. Mes pouvoirs qui avaient été endormis pendant dix-sept ans venaient-ils à leur tour de se manifester ?

J'ai regardé par la fenêtre. Il faisait encore nuit. Une nuit chaude d'été comme on pouvait les connaître à Nelbel, malgré que la ville se situait au Nord de Nauphela. J'ai alors décidé de prendre l'air quelques instants pour oublier les images violentes qui m'avait assaillies dans mon sommeil.

Mais je ne pouvais pas. Elles semblaient persister avec force dans mon esprit.

Nikolaï et moi étions deux orphelins. Appartenant à l'origine à l'Ordre des Fées, nous avions été adoptés comme d'autres enfants par Madame Olga et son mari, deux Archers, avant que ce dernier ne décède. Madame Olga n'était pas une tutrice douce et aimante. Elle s'alcoolisait depuis la mort de son époux, et nous imposait des règles strictes et des punitions pas toujours bien justifiées. Nous étions les deux seules fées parmi les enfants qu'elle prenait en charge. Et, les Archers ont pour réputation de détester tout qui est à trait à la magie. Ainsi, elle nous avait interdit d'apprendre à utiliser nos pouvoirs, nous éduquant à l'image des autres archers.

Les pouvoirs de Nikolaï s'étaient pourtant manifestés un jour où nous nous rendions dans une ferme, tous les deux, pour faire des courses pour le reste des orphelins.

Ces pouvoirs avaient été absolument stupéfiants. Nikolaï s'était alors renseigné pour developper sa magie. A l'approche de ses dix-huit ans, il entendit dire que le gouvernement ouvrait ce qu'il appelle la Deuxième Congrégation.

Une Congrégation est un regroupement d'individus de chaque Ordre, c'est à dire une Fée, un Chevalier, un Sorcier et un Archer. Il faut postuler à la Formation pour en faire partie, passer des tests, puis, si vous êtes acceptés, vous vous entraînez sans relâche pendant deux ans, et une personne seulement de chaque Ordre est désignée comme appartenant définitivement à la Congrégation.

Nikolaï fut obsédé par le fait d'intégrer la Formation. Il m'en parla tout les jours jusqu'à sa majorité. Il me disait qu'en intégrant la Formation, puis la Congrégation, tous nos problèmes s'envoleraient, qu'on pourrait se rapprocher de la Capitale, gagner de l'argent, et surtout se défaire enfin de l'influence des Archers, qui nous empêchaient de développer jusqu'alors nos pouvoirs de fées. Ce qu'il me disait me faisait rêver. J'avais envie d'y croire, et lui encore plus.

Nikolaï pu partir de la maison d'Olga à ses dix-huit ans. Et à force de travail, il réussit à intégrer la Formation. Cela faisait donc trois ans que j'étais seule chez elle. Sans lui, le quotidien était dur, mais, j'avais confiance en Nikolaï. Une fois ma majorité atteinte, j'avais prévu de le rejoindre à la Capitale.

Il me restait encore un an à tenir jusqu'à mes dix-huit et je serais enfin libre. Ces trois ans sans voir Nikolaï étaient devenus un véritable supplice. Il me manquait éperdument. Mais, je savais que cette séparation nécessaire ne serait pas éternelle. On se retrouverait bientôt et on aurait enfin la vie qu'on avait toujours voulue, loin de la ville de Nelbel et de Madame Olga.

Nelbel vivait éloignée du progrès et de la magie. Le but des Archers était de s'autosuffire. Méprisés par les trois autres Ordres, ils ne voulaient rien avoir à faire à eux, à part leur fournir contre de l'argent des matières premières, issues de la chasse et de l'agriculture. C'est pour cette raison que la communication entre Nelbel et le reste de la Province demeurait fortement compromise. Les Archers qui dirigeait la ville refusaient tout contact avec l'extérieur, jusqu'à refuser même les journaux de presse provenant des autres villes. Nous ne pouvions donc pas nous tenir au courant de l'actualité. Or, pour ma part, j'avais besoin de cela. Nikolaï faisant partie d'une formation très médiatisée, je voulais savoir comment cela se passait pour lui.

Je travaillais jusqu'alors  dans un auberge. Anton, Mon patron avait souvent eu pitié de moi et de Nikolaï. Je savais qu'il nous appréciait beaucoup du fait de notre histoire et qu'on lui avait toujours fourni du bon travail. Je savais aussi qu'il se faisait parvenir illégalement des journaux de presse de la Capitale. Alors, à la fin de mes heures de travail, il me les prêtait souvent pour que je puisse m'informer sur Nikolaï et la Deuxième Congrégation.

Le lendemain de cette nuit mouvementée, à la première heure, alors que c'était mon jour de repos, je me suis ruée chez Anton. L'auberge n'était pas encore ouverte au public, mais sa femme m'a accueillie. Anton était là, assis sur l'une des tables en bois le journal à la main et le visage marqué par la désolation et la tristesse. Sans dire un mot, quand il m'a vue arriver, il m'a tendu le journal, la main tremblante et le regard troublé par les larmes.

J'ai senti mon cœur se soulever. La gorge nouée, j'ai secoué la tête, incrédule, sachant instinctivement de quoi il s'agissait.

— Non...ce n'est pas possible...j'ai soufflé, désemparée.

— Je suis désolée, Ana, a-t-il répliqué tout bas, alors que j'ai saisi le journal.

Ce matin-là, j'ai appris que Nikolaï s'était suicidé en se jetant dans le Volcan des Draguives, trois jours avant la nomination des Élus de la Congrégation. Il n'avait que vingt-et-un an.

J'ai senti mon monde s'écrouler tout autour de moi. Tous les espoirs et les projets que j'étais parvenu à nourrir ces dernières années depuis la mort de Nikolaï étaient dorénavant réduits à néant. Les jours qui ont suivi cette annonce, j'étais entièrement dévastée, d'autant plus que son corps détruit par la lave n'avait pas été retrouvé. Comment voulez-vous faire votre deuil quand vous n'avez pas de corps à pleurer ?

Puis, à mesure que je tentais de le faire, j'ai commencé à douter des faits. Le rêve que j'avais fait la veille de l'annonce de sa part m'avait paru si réel que je me suis demandée si il n'avait pas été une vision.

Pour moi, Nikolaï n'avait pas pu se suicider. Je recevais des lettres de lui tous les mois et la dernière que j'avais lue avait été pleine d'espoir. Il m'avait confié que les Formateurs annonceraient très bientôt le nom des Élus qui pourraient former définitivement la Deuxième Congrégation.

J'en étais dorénavant certaine : quelqu'un avait caché la véritable raison de la mort de Nikolaï. Mais, pourquoi ?

Un mois après la nomination de Élus, Dimitris Silva, le Directeur de la Deuxième Congrégation annonça qu'il envisageait d'ouvrir dans cinq ans une Troisième Congrégation, appelant les jeunes à s'entraîner dès maintenant pour intégrer la future Formation.

C'est là que j'ai perçu mon opportunité.

J'allais intégrer à mon tour la Formation en changeant d'identité pour enquêter sur la mort de Nikolaï.

Je me suis alors promis que je découvrirais ce qu'il s'était passé. Nikolaï sera bientôt vengé. Je m'en suis délibérément engagée.

Mais, à cette époque-ci, j'ignorais que mon infiltration rencontrerait de nombreuses difficultés.

Entre amour, secrets et rivalité, la Formation me réservait bien des surprises.

La 3ème Congrégation Where stories live. Discover now