Chapitre 23

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Le bâtiment central du Camp d'Otrance est comme un musée. Les longs couloirs qui relient les amphithéâtres et les salles de cours exposent dans des vitrines de nombreux trophées et de multiples photos des anciens Formés des précédentes Congrégations.

Ce soir, je suis un peu pensive. Parcourir du regard toutes ces photos est la manière que j'ai trouvé pour occuper mon esprit. Mon cœur se serre dans ma poitrine quand mon regard se pose sur l'une d'entre elle. Nikolaï est là, radieux. un sourire lumineux aux lèvres, à côté de Dimitris Silva, qui pose sa main sur son épaule avec bienveillance.

Voir le visage de Nikolaï me procure toujours les mêmes sentiments. Une profonde nostalgie et une tristesse infinie. Quelques larmes discrètes perlent au coin de mes yeux, à mesure que mes pensées se tournent vers les souvenirs heureux qu'il me reste de lui. J'ai toujours aimé son sourire. Un sourire sincère et contagieux.

Je me demande s'il a souffert lors de sa mort. J'aurais aimé penser que non, mais il a sûrement lutter longtemps contre son agresseur, avant de chuter de plusieurs mètres dans la lave.

Si j'avais su que lors de nos au revoir avant son départ pour le Camp d'Otrance que je ne le reverrais pas, tout aurait été différent. Le manque a son égard qui subsiste depuis sa disparition est inestimable. Il me ronge de l'intérieur, il me tue. Je suis forte, mais parfois, il m'arrive de céder à un élan de vulnérabilité. Et aujourd'hui, c'est le cas. Je me laisse totalement envahir par une douloureuse nostalgie.

— C'était un élève talentueux.

Une voix masculine me tire subitement de mes pensées. Un homme se tient face à la vitre, juste à côté de moi. Je ravale mes larmes et me tourne vers lui.

C'est Dimitris Silva.

Mes pensées se troublent alors, l'affliction s'intensifie et surtout, mon incompréhension face à la situation prend le dessus.

— Qu'est-ce qu'il pousse un jeune homme pour qui la vie semblait sourire au suicide ? je lâche, décontenancée.

Silva laisse un petit silence avant de répondre.

— Vous savez, quand un individu commet l'acte désespéré de mettre fin à ses jours, toutes les raisons ne nous sont pas accessibles.

Sa voix est douce et calme, ce qui marque un contraste important avec son attitude fière et autoritaire si pourtant connue. Silva semble m'offrir une occasion de converser avec lui.

— Vous l'avez connu, il était votre élève.

L'homme hoche la tête brièvement.

— Je l'ai connu, en effet, finit-il par répondre, après un long silence.

— Aviez-vous vu des signes ? Je veux dire...auriez- vous pu prédire ce qu'il allait se passer ?

— C'est justement parce que je n'ai pas réussi à voir les signes que je ressens aujourd'hui une culpabilité telle.

Je détourne le regard pour le poser de nouveau sur le visage de Nikolaï.

— Était-il un parmi tant d'autre ? Je veux dire... n'importe qui aurait-il pu se retrouver à sa place ?

Silva m'accorde dans le reflet de la vitre un regard rassurant, percevant dans mon regard un soupçon d'inquiétude.

— Katherina, nous sommes là pour nous assurer qu'un drame pareille ne se reproduira pas. Nous veillons à la stabilité psychique de nos élèves. Vos intendants et vos Formateurs sont ici pour cela.

—  Je n'imagine pas la confusion que tout cela a pu générer au sein de la Deuxième Congrégation... Cela a dû être terrible.

Silva me tend avec élégance son bras.

La 3ème Congrégation Where stories live. Discover now