6 - Porter un lourd secret

65 23 21
                                    

Ils se regardèrent d'un air grave et s'assirent autour de la table du salon.

— Comment ça ? Toi aussi tu as fugué de chez toi ? Demanda-t-il.

— En fait, non, quand j'étais ado, comme tu le sais, je me suis fait une place dans le monde de la néo-science, honnêtement c'était un peu grâce à mes parents et mes amis qui me poussaient vers le haut. Enfin, peu importe, c'est à peu près à ce moment-là que je me suis frotté aux Lunatics, et notamment à ta mère, on passait notre temps à faire des expériences et à essayer de faire évoluer les mentalités des gens.

— Et qu'est-ce qu'il s'est passé alors ?

— Tout simplement on est allés trop loin. À un moment, on a eu besoin d'un matériau très particulier et coûteux pour nos expériences, alors on a sollicité l'État comme à notre habitude mais cette fois-là, il a refusé. Alors nous, frustrés par la situation, on a décidé de nous le procurer nous-mêmes illégalement, mais le problème, c'est que l'endroit où on s'est rendu était très dangereux et la zone était sévèrement interdite au public. Sans rentrer dans les détails, on a provoqué un accident, une sorte d'explosion si tu veux, et ça a tué des milliers de gens.

— Quoi ! Papa c'est pas vrai ! S'exclama Quincy sous le choc.

— Ce n'est pas tout, là où on était, on a relativement été protégés, mais suite à cet accident, nous avons eu de graves problèmes de santé, ta mère, avec son pouvoir naturel de guérison accélérée, a réussi à s'en sortir sans traitements. Mais moi, la maladie m'a condamné, et mon espérance de vie a été drastiquement réduite. Expliqua Will, cela attrista profondément Quincy.

— Papa ! Je suis désolé pour toi ! Mais pourquoi tu me le dis que maintenant ? Non, surtout quel est le rapport avec moi ? Pourquoi tu me dis tout ça ?

— Justement, c'est parce que là je ne t'ai parlé que des conséquences physiques et matérielles, il y a un autre problème bien plus dramatique que ceux que j'ai pu citer. Qu'est-ce que je fais quand tu commets une faute ?

— Euh.. Tu me punis ?

— Oui, et bien pareillement l'État nous a très sévèrement punis, et on le méritait il faut dire, ils nous ont enlevé notre droit d'exercer la science et ils nous ont jetés en prison. Ils nous ont ensuite imposé des réparations énormes à payer en nous disant que si nous ne pouvions pas le leur donner dans l'immédiat, on devrait signer un contrat avec eux. Et évidemment comme nous ne pouvions pas, et ils le savaient très bien, nous avons été forcés de signer. Ce contrat secret impliquait de nous enlever tout notre laboratoire et nos connaissances acquises, ils m'ont pris de force mon droit intellectuel sur une technologie très prometteuse que j'avais mise au point et qui aurait très bien pu nous guérir ! Mais voilà où je voulais en venir ; il impliquait également que si nous avions des enfants, ceux-ci seraient condamnés à une sorte de servitude éternelle sur plusieurs générations, et ce, jusqu'à ce que la dette soit remboursée ! Aujourd'hui Quin, tu viens de m'obliger à te reconnaître comme mon fils et cela veut dire que dans très peu de temps tu seras ce qu'on appelle « fiché X », c'est-à-dire recherché par l'État pour une dette de vie.

En entendant cela, Quincy tomba à la renverse, il comprit que depuis le début son père tenait à garder son existence secrète par simple mesure de protection. Il se leva de là où il était assis, sous le choc, et se contenta d'aller dans sa chambre, sans laisser transparaître aucune émotion.

Peu après, Will, en homme avisé, entreprit de déménager avec son fils pour ne pas qu'on puisse les retrouver, en une semaine, et sans le dire à personne, ils avaient déjà vidé la demeure et tout emballé. Quincy s'apprêtait à nouveau à partir, à tout quitter, à tout laisser derrière lui, comme il l'avait fait 4 ans plus tôt et bien qu'il ne se sentait pas particulièrement attaché à cet endroit, il eut un pincement au cœur en regardant derrière lui au moment de partir, même pas il ne pourrait dire au revoir à sa cousine une dernière fois et s'excuser de l'idée stupide qu'il avait eue.

Ils se mirent en route dans la nuit et traversèrent toute l'Amérique centrale grâce aux nouveaux moyens de locomotion modernes. Cinq jours plus tard ils mirent pied à terre dans l'Ancien-Équateur, dans la petite ville de Esmeraldas. Will avait acheté un local près d'un port et avait déjà planifié leur nouvelle vie. En déballant les quelques affaires qu'ils avaient transportées, Will déballa un livre à la tranche des pages nacrées :

— Oh pourquoi tu as pris ce livre dans tes affaires ? Tu aurais pu le laisser avec les autres, il serait arrivé la semaine prochaine...

— C'est un livre très spécial ça. Dit Will en soufflant dessus.

— Ah ouais ?

— Oui, on peut dire que c'est le travail de toute une vie même. Dedans il y a toutes mes recherches et pas seulement.

— Pourquoi « pas seulement » ?

— Tu le sauras bien assez tôt Quin.

— Est-ce que ça a un lien avec ton contrat secret ?

— Hm, je crois que je ne peux plus rien te cacher. Je te promets de tout t'expliquer à l'occasion.

Quincy se contenterait de cette réponse pour le moment, il savait qu'au moment voulu son père lui expliquerait et que s'il ne le faisait pas maintenant ce devait être pour une bonne raison. Cette aventure qu'ils étaient en train de vivre était plus qu'éprouvante mais pour la première fois Quincy pouvait sentir leurs liens de confiance et de complicité se renforcer.

Au même moment, à quelques centaines de kilomètres de là, brillait par sa présence à la cour un certain Renneslayer, qui, depuis son intervention l'année de La Nuit des quinze mille Lunes en faveur des Lunatics s'était fait une place plus que remarquable dans le monde du droit et de la justice. Ce jour-là, il fêtait ses 69 ans, mais malgré son âge, le vieil homme avait toujours autant de vivacité de corps et d'esprit. Alors qu'il discutait à propos d'une affaire importante, un homme à l'aura pesante qui répondait au nom de Livius Skeward s'approcha d'eux.

The LunacyWhere stories live. Discover now