22 : Malte

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Il est 16h00 lorsque l'Airbus pose ses trains d'atterrissage sur la piste ensoleillée de L'Ajruport Internazzjonali ta' Malta.

L'avion garé, George attend poliment alors que Natacha plie délicatement son manteau de fourrure et le place dans un sac en papier, saisit sa valise Victorinox dans le coffre à bagage, met son sac à main Gucci à l'épaule, et suit le flot de passagers déjà levé vers la sortie.

George laisse le flot de passagers avancer un peu avant de mettre De juwelen van Bianca Castafiore dans sa valise et de se diriger lui aussi vers la sortie de l'appareil.

Une fois dans les couloirs du terminal, il y a la queue alors que le personnel de l'aéroport et la police contrôlent les passes sanitaires. Pour les citoyens européens, un simple scan du téléphone portable leur permet de continuer leur progression dans l'aérogare. Pour les Anglais, Américains et Russes, le contrôle est plus méticuleux.

Au contrôle, on signifie à Natacha que le vaccin Sputnik V qu'elle a reçu est très bien, et qu'on l'a utilisé massivement ici à Malte. Elle commente qu'elle a fait partie des essais cliniques et a reçu sa première dose de Sputnik V dès juillet 2021. On la laisse passer.

Derrière elle, son garde du corps est arrêté : il n'a pas de certificat de vaccinations ni de résultats négatifs de tests covid. Il est invité à se mettre de côté et suivre le personnel de l'aéroport.

Cette pandémie n'est finalement pas si mal, pense George, et remercie l'Union européenne en chantant dans sa tête L'hymne à la joie.

Dans le hall d'arrivée quasiment désert de l'aéroport international de Malte, se tient un homme, costume noir, chemise blanche, espadrilles, avec, à la main, un signe : MedInsight. Autour de lui, un homme et trois femmes, dont Natacha, avec leur bagage.

« Dr. Uwil... ? » essaie-t-il.

« Dr. Uwilingiyimana », l'aide George. « But you can call me Dr Uwil, or even Dr. Edmond. From Belgium ». Dr Uwil, ou Dr Edmond, c'est quand même plus simple.

Une des dames, cheveux bruns frisés et lunettes à cadre épais s'introduit comme Dr. Maria Svensson de Suède, mais Dr. Maria marche également. La deuxième dame, cheveux châtains, s'introduit comme Dr. Anna de Pologne. L'homme au crâne rasé est le Dr. Anders Forsberg aussi de Suède, mais Dr Anders, c'est plus simple. Suivant l'exemple des autres médecins, la Dr Ivanova s'introduit comme Dr. Natacha de Russie.

L'homme en costume signifie que George était le dernier attendu, et les emmène à l'extérieur du terminal, sur un parking ensoleillé où est garé son véhicule, un minibus Mercedes noir aux verres teintés. George cherche en vain une porte coulissante sur le côté droit du véhicule. Non, c'est sur le côté gauche, lui indique le chauffeur. À Malte, on roule à gauche. C'est une ancienne colonie britannique.

Les passagers installés, le chauffeur démarre le minibus. À l'arrière, les passagers font connaissance. Dr. Maria est professeur en endocrinologie à Lund. Dr. Anna est chercheuse en endocrinologie pédiatrique à Cracovie. Dr. Anders est médecin à Uppsala. Dr. Natacha à Moscou. George, alias Dr. Uwil ou Dr. Edmond, travaille à la clinique universitaire Saint-Luc, à Bruxelles.

Les passagers ne semblent pas prêter attention au ciel bleu azur maltais, comme si aller au soleil en hiver était pour eux la plus naturelle des choses. Dr. Anna fait plutôt remarquer que c'est la première fois qu'elle est conviée à une conférence dans un yacht, financée par un labo. Quel labo peut-il être derrière MedInsight ? Dr. Maria, l'ainée des médecins, explique que quand elle était jeune, c'était courant pour les gros labos d'inviter des chercheurs à des conférences somptueuses, afin d'obtenir leur soutien pour le lancement de nouveau médicament. Depuis la crise de 2008, cependant, cela ne se fait quasiment plus. Officiellement, au nom de la transparence, à laquelle les labos prétendent adhérer, en fait à cause de l'érosion de leurs marges opérationnelles due à l'introduction des génériques et des biosimilaires. George confirme : il n'a pas été convié à de conférences somptuaires depuis 2007. Il ne pouvait donc pas dire non à cette invitation, même si cette soi-disant compagnie MedInsight Ldt n'a pas l'air forcément expérimentée. Qui sait, elle travaille peut-être pour le compte d'un labo chinois ou coréen peu au fait des nouvelles pratiques en Europe. À moins que ça ne soit Roche, commente Dr. Maria. Le labo suisse reste généreux et on ne va pas s'en plaindre. Dr. Natacha avance que le labo pourrait bien être Pfizer. Avec les vaccins covid, ils ont dû se faire des marges plus que confortables pour financer une étude de marché dans un yacht à Malte.

L'espion à la fille désenfantéeWhere stories live. Discover now