27 : Paris

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En se réveillant le lendemain matin, samedi 5 février 2022, George se précipite sur son smartphone : les Jeux olympiques d'hiver de Pékin ont bien commencé, et les chars russes ne sont pas entrés en Ukraine. Natacha avait raison : La Russie n'envahira pas l'Ukraine avant la fin des JO. Le président russe a dû recevoir des pressions de la part de son homologue chinois.

Après avoir étendu son linge, et démarré une nouvelle lessive, George décide de courir un peu au parc de Choisy et achète un croissant aux amandes en rentrant chez lui. Après une douche chaude et un petit déjeuner rapide, il s'active. D'abord un peu de ménage et repassage. Ensuite, déposer les valises d'Alessia et d'Hubert chez ce dernier : il habite dans la tour Londres voisine. Hubert lui avait laissé une clé.

Déjeuner au bistro en bas – maintenant qu'il va repartir dans la banlieue nord de l'Europe, avec pour objectif final, la Russie, il n'est pas sûr quand il pourra à nouveau déguster un bon bœuf tartare.

Après-midi consacrée à préparer la mission. Il existe deux espèces de géologues. Le vénal et le passionné. Le géologue vénal est celui qui va travailler dans l'extraction minière et énergétique. Celui prêt à contester, contre rémunération, la véracité de la cause humaine du réchauffement climatique. Celui qui prétend que le réchauffement climatique n'est pas dramatique, car il faisait plus chaud à l'époque des dinosaures. Celui qui 'oublie' que la configuration des plaques continentales au Crétacé était bien différente à l'époque, et que par conséquent, la circulation thermohaline des océans il y a 65 millions d'années n'est pas comparable à aujourd'hui. Petit détail transformant toute comparaison entre aujourd'hui et l'époque des dinosaures en un vaste contresens géologique.

Que le lecteur de ces lignes se rassure, le géologue vénal a une vie pécuniairement plus confortable que le passionné : celui qui veut véritablement comprendre les sciences de la terre.

Dans sa jeunesse, George avait eu le malheur de faire partie de cette seconde catégorie. Ayant grandi dans les Alpes, il s'était demandé depuis l'adolescence s'il y avait également du permafrost dans les sols montagneux, et si cela pouvait impacter la construction des stations de ski. À l'époque, le seul pays au monde à avoir de la recherche sérieuse en permafrost était l'Union soviétique. Son professeur à l'université de Grenoble, un peu communiste certes, l'avait mis en contact avec l'université de Moscou, et il avait obtenu une position de doctorat, sous le tutorat d'un professeur russe trop content d'avoir des choses à enseigner aux capitalistes européens.

Excursions dans l'Oural, en Sibérie, dans le Caucase, son doctorat avait été sincèrement passionnant. Il avait été d'autant plus pimenté par l'espionnage bénévole discret qu'il faisait des étudiants africains pour le compte des services français.

George s'était cependant vite rendu compte que la passion ne paie pas ni ne nourrit d'ailleurs. Il s'était impliqué à un niveau légèrement plus élevé pour les services français, servant de boîte aux lettres, aidant à débusquer des universitaires opposants aux régimes alliés de la Françafrique, et en organisant des transferts. Cependant, il avait dû se résoudre : travailler dans l'exploitation pétrolière paie mieux qu'un postdoc. Avec un bébé en bas âge, il était passé à Gazprom. Comme dirait Bertolt Brecht : « Erst das Fressen, dann die Moral ». La bouffe d'abord, la morale ensuite.

George sait donc incarner à la fois le géologue vénal et le géologue passionné. Pour cette mission, ce sera le géologue passionné. Pas de valise, mais un sac à dos d'alpiniste 35L Mammut, et un sac de marin Northface 50L.

Préparation d'un smartphone CAT à son compte privé, mais avec aucune information compromettante. Un vieil ordinateur portable ASUS avec des articles scientifiques en cours de rédaction, le programme ArcGis, et de nombreuses données géologiques reçus d'anciennes sources au Svalbard. Une édition russe du livre d'un ancien collègue, maintenant professeur à l'université de Moscou. Et puis tout l'équipement nécessaire pour l'arctique : Une grosse doudoune, une moyenne doudoune, trois paires de gants, une paire de moufles, une paire de chaussures canadiennes, deux passe-montagnes, sous-vêtements, collants et chaussettes en laines, surpantalon et veste goretex, trois lampes frontales, lunettes de protection. Trousse de pharmacie avec naturellement de l'Oméprazole. Une dizaine de thermopads. Mais aussi quelques vêtements plus civils.

L'espion à la fille désenfantéeΌπου ζουν οι ιστορίες. Ανακάλυψε τώρα