35 : Khamovniki

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À 13h00, George s'enregistre au nom d'Ambroise Togolainen à l'hôtel Grafskiy pour quatre nuits. Il a une réunion professionnelle lundi et voudrait profiter du week-end à Moscow. On lui intime de payer tout le séjour maintenant : il est fait états de risques de sanctions excluant la Russie du système de paiement international Swish. La réception n'est pas sûre que sa carte de crédit soit acceptée lundi. Pas de problèmes, il paie tout le séjour d'avance.

George passe l'après-midi allongé dans son lit : il est maintenant techniquement un clandé en Russie. Seconde fois de sa vie qu'il est clandé. Première fois en Russie. Quel relancement de carrière ces dernières semaines !

Il a maintenant changé la carte SIM de son Samsung, et donne des instructions à Natacha pour l'extraction. Aussi peu de bagages que possible. Maximum un jouet et un doudou par enfant. Leurs téléphones portables doivent être 'oubliés' à la maison. Rendez-vous devant chez elle.

Il laisse Hubert pénétrer à distance son Samsung et installer un programme espion spécialité maison.

Il tue le temps en lisant les nouvelles sur son smartphone, avalant un Oméprazole de temps en temps.

Il semble maintenant que l'invasion de l'Ukraine ne se déroule pas aussi facilement que les Russes osaient l'espérer. Contrairement au scénario du Kremlin, le leadership ukrainien tient bon. Le président ukrainien a refusé l'offre d'évacuation des États-Unis, en insistant « I need ammunition, not a ride [trad : J'ai besoin de munitions, pas d'une évacuation]». Galvanisées, les troupes ukrainiennes s'efforcent de contrer les colonnes de blindés russes embourbés et errant sans instructions claires. Bien que dans une situation difficile, les Ukrainiens ont au moins évité la débandade. Toujours mieux que les Français en mai 1940.

***

Dimanche 27 février, George commence sa journée par onze minutes d'exercice physique dans sa chambre. Après avoir pris son petit déjeuner, s'être brossé les dents et s'être assuré de ne rien avoir oublié dans sa chambre, il sort avec son gros manteau Canada Goose, et son sac en cuir. Il consulte son Samsung : 2.8 km jusqu'au Renault Espace de la société de car-pooling Delimbil. Cela ne l'effraie pas, il aime marcher. Il a un bon manteau et de bonnes chaussures.

Arrivé au Renault Espace rouge Bordeaux avec vitres teintées, il prend son smartphone, retire son gant de la main droite, et pianote sur l'application installée par Hubert. L'Espace s'ouvre. Il met son sac dans le coffre, et s'installe sur le siège du conducteur. À l'intérieur, il trouve les clés de contact. On est parti.

Dix minutes plus tard, il se gare dans le quartier de Khamovniki, à deux blocs de son hôtel. L'appartement de Natacha et à deux minutes.

Il regarde sa montre : 9h42.

Il prend son Samsung russe et appelle Alessia sur Telegram : « Statut ? »

La voix d'Alé lui répond : « Je suis garée de l'autre côté de la rue. La voiture de police surveillant l'immeuble est là comme d'habitude. Il y a six personnes en train d'attendre devant le café. »

Attendons un peu.

La voiture de police n'est pas là pour surveiller l'immeuble de Natacha, mais pour la protéger, elle et ses enfants. Il y a une voiture de police au pied de l'immeuble vingt-quatre heures sur vingt-quatre. C'est normal. S'ils ne surveillent pas officiellement Natacha, il est cependant probable qu'ils signaleront à leurs supérieurs toute sortie de Natacha avec des bagages. D'où l'intérêt de créer une foule pour masquer l'extraction.

Suivant les instructions de George, Hubert a piraté le compte Facebook et la chaine Telegram du café, et a fait circuler l'information que le café organisait un hommage à l'opération spéciale, avec happy hours pour les supporters venant dimanche dés 10h00. L'annonce est crédible, le gérant étant en très bon terme avec le Tsar, quand celui-ci passe dans le quartier visiter sa fille.

L'espion à la fille désenfantéeWhere stories live. Discover now