Chapitre 11

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Dans la nuit, je me réveille en sueur après un cauchemar qui enveloppait tout mon esprit. Des phrases d'une violence inouïe, susurrées comme la douceur du miel, tournaient en boucle comme un vinyle rayé qu'on aurait branché à mon cerveau pendant des heures. Impossible de m'en défaire, impossible de les faire taire. Même dix ans après, ces mots me collent à la peau comme la sève d'un résineux blessé.

Il semblerait que je me sois endormie sur mon fauteuil, hier soir. Je grogne légèrement et m'extirpe du plaid douillet pour rejoindre mon lit, espérant terminer ma nuit tranquille.

***

Une fois n'est pas coutume, c'est moi qui arrive au travail sans le sourire. Ce n'est pas dans mes habitudes, mais je n'ai pas réussi à me rendormir correctement après mon réveil soudain. Je suis exténuée, et les poches qui cernent mes yeux en témoignent.

– Eh bien, j'en connais une qui a fait la fête toute la nuit !

– La ferme ! marmonné-je à la voix étouffée arrivant derrière moi.

– Pardon ?!

Oh merde.

Je me tourne vers ma référente qui me fixe, un sourcil levé, attendant probablement que je lui répète mon insulte comme une maman attendrait que son gosse ose redire un gros mot les yeux dans les yeux. Gênée, je me mets à bafouiller.

– Excuse-moi, Chloé. C'est sorti tout seul, ça ne t'était pas... disons directement destiné.

– Je sais qu'on est relax dans cette agence, mais fais attention à la manière dont tu parles quand même. Je reste ta supérieure.

Sa voix n'est plus aussi sèche, et je sais qu'elle a raison. En temps normal, je ne me serais jamais permise un langage pareil face à des collègues de travail, même Chloé.

– Je sais, navrée. J'ai vraiment passé une sale nuit, ce n'était pas contre toi.

Elle hoche la tête et serre les lèvres dans une espèce de sourire crispé, mais n'ajoute rien.

Toute la matinée, elle vaque par monts et par vaux, s'occupant de petites choses importantes à boucler avant ce soir. De mon côté, j'ai l'impression de tourner au ralenti, et j'ai vraiment du mal à comprendre pourquoi. Pourtant, je n'arrive pas à sourire sincèrement et à me sentir légère. Un poids m'écrase, et je me demande si c'est lié à mon rêve de cette nuit, ou au fait que le seul jour où je me sente mal soit précisément celui où Chloé pète la forme. J'ai envie de la saisir par les épaules et de l'asseoir de force sur une chaise pour qu'elle arrête de s'agiter, alors qu'il y a une semaine je pestais contre sa mauvaise humeur. Je déraille complètement.

Lorsque je quitte la boulangerie, m'apprêtant à rejoindre Betty et Samy pour manger au parc, je reçois un appel de mon frère.

– Ce n'est pas le moment, signalé-je en décrochant.

– Eh bien, quel accueil !

– J'ai mal dormi.

– L'ours sort de sa cave ?

– Alex, soupiré-je en me passant la main sur le visage, fatiguée. Qu'est-ce que tu veux ?

– Tu sais ce que je veux ma chère sœur.

– Pas le moins du monde, rétorqué-je, perdue.

– Papy ?

Notre conversation de la semaine dernière me revient en mémoire de plein fouet.

– Ah non. Non, non, non, non, non.

– Charly... commence-t-il.

– Non, Alex, vraiment ! Déjà que ce n'est pas le moment tout court, mais alors là, pour ça, non. Je suis à deux doigts de te raccrocher au nez.

Hating, Craving, FallingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant