Chapitre 18

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Je végète sur mon lit depuis environ une heure. J'ai pris une douche qui a duré une éternité et j'ai quasiment étouffé Artémis sous mes câlins.

– Tu es beau, je lui susurre en peignant son pelage de mes doigts.

Ses yeux mi-clos semblent traduire son approbation.

Mon père m'avait toujours formellement interdit d'avoir un animal de compagnie quand j'habitais chez mes parents. Quand j'avais mis des jours à construire un abri où une dizaine d'escargots s'étaient installés, il m'avait forcé à les écraser un par un. Je n'arrivais même plus à voir quoi que ce soit tant les larmes noyaient mes yeux.

« Regarde comme il est facile de se débarrasser des nuisibles » m'avait-il dit, « dommage que ça ne marche pas avec toi ».

La colère, la rage et la fureur ont depuis bien longtemps remplacé la souffrance de ces souvenirs, pour autant la plaie semble toujours à vif.

***

J'analyse en détail les plissures de mes rideaux couleur abricot pour la quinzième fois. Ils ont une teinte semblable à ceux qui encadraient la haute fenêtre de ma chambre d'enfant. Mon père les tirait brutalement chaque matin, sans un mot, pour engloutir la pièce de la lumière du soleil. Dans la chambre voisine, les bisous maternels sortaient avec douceur mon frère et ma sœur de leurs rêves. L'hiver était devenu ma saison préférée, parce qu'alors tirer les rideaux ne dévoilait rien de plus que l'ombre de la nuit et mon père n'était pas le genre à se déplacer pour rien.

Dans un élan de furie, je me lève et manque d'arracher ces rideaux de malheur en les décrochant de leur tringle. J'en achèterai des nouveaux qui ne me ramènent pas constamment à lui.

***

Les yeux rivés sur le plafond, je remarque trois taches, dont deux en forme de pieds. Des grands pieds, étroits et pointus.

– Tu crois que des vampires habitaient ici avant ?

Artémis étire sa patte noire qui arrive sur ma joue, comme pour me dire d'arrêter avec mes âneries, puis soupire d'aise. Mes doigts viennent lui chatouiller le ventre, et la machine à ronronnements se lance à plein volume. Je fourre mon visage dans sa fourrure et colle mon oreille contre son cou. Ce son me calme instantanément et je me détends un peu pour la première fois depuis mon arrivée. Ce chat est ma source de bonheur quotidien. Contrairement à mon père, il n'a jamais eu aucun élan d'animosité envers moi, et il m'apporte toute l'affection que je n'ai pas reçue de ceux qui étaient censés me la donner. Et jusqu'à preuve du contraire, il a toujours été là quand j'avais besoin d'un câlin. Comme maintenant, par exemple.

Pas que tu ne lui laisses réellement le choix, en même temps...

– Ou alors, des gens qui vivaient à l'envers, continué-je. Ils venaient d'Australie, du coup ils marchaient sur le plafond parce que tout est inversé de l'autre côté de la planète...

Je me tourne sur le ventre et pose mon menton sur mon poignet. Ma boule de poil s'étend de tout son long sur le lit et commence à patouner à l'envers sur mon oreiller.

Il est tellement craquant. Franchement, je ne comprends pas comment un tout petit bidule bien touffu peut attirer autant d'amour, alors que mon propre père n'a aucun problème à me renier comme si je n'étais personne. Quand je vois à quel point j'adore mon chat, je me dis que si j'ai un enfant un jour – ce qui est quand même peu probable – je l'étoufferais d'amour, en fait...

Les griffes d'Artémis entrent et sortent du coussin et d'un coup, il s'excite dessus jusqu'à ce qu'ils terminent tous deux leur bataille au sol. Je l'observe durant son agression méthodique, puis lève les yeux au ciel, dépitée.

Hating, Craving, FallingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant