Chapitre 33

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    Le soleil irradiant la pièce me réveille beaucoup, beaucoup trop tôt. Je me frotte les yeux, et tout ce que je voudrais c'est m'enfoncer dans le matelas et y rester trois jours de plus. Mais l'odeur des draps me ranime, me rappelant soudainement que je n'ai pas dormi chez moi. J'ouvre les paupières et découvre le corps frissonnant de Chloé. Les sensations de la nuit précédente me reviennent en tête et mon ventre se contracte.

Son dos me fait face et j'admire les dessins géométriques qui parcourent sa colonne vertébrale de haut en bas. Plusieurs courbes s'enchevêtrent sur de longues lignes entrecoupées. Au centre, une sphère fine et ouverte évoque la Terre, surmontée de la silhouette d'une chaine de montagnes en pointillisme. Les continents, tracés en filaire, débordent comme s'ils s'en échappaient vers le bas. Au milieu de notre planète, un petit avion dans sa course autour du monde croise le chemin d'un oiseau volant vers sa liberté. Au niveau de sa nuque et de son coccyx se dessinent les extrémités de cette flèche géante. Je remonte la grosse couette sur elle, la chaleur s'étant évaporée de nos corps. Mes mouvements finissent par la réveiller et elle semble éprouver la même difficulté que moi face aux matins de nuit trop courte. Je l'entends grogner et gémir avant qu'elle ne réalise complètement ma présence.

Nous nous levons et je l'aide à remettre les draps comme il faut avant de redescendre. Le salon est glacé et elle s'empresse de lancer la cheminée. Je propose de sortir Aléa qui saute partout pendant que Chloé nous prépare le petit déjeuner.

La chienne s'élance dans le champ et je m'adosse à la barrière en soupirant longuement, comme si je retenais ma respiration depuis mon réveil. Si j'étais fumeuse, ce serait probablement le moment idéal pour en griller une en me demandant ce que j'ai foutu. Je me frotte le visage et les mains pour me réchauffer.

Ok. Chacune agit comme si tout est normal depuis qu'on est sorties du lit, mais ça ne l'est pas. C'est super bizarre. On n'a jamais brillé par notre proximité, et même si nos rapports se sont clairement améliorés ces derniers temps, on n'est pas vraiment sur la même longueur d'onde.

De retour à l'intérieur, mon estomac accueille avec envie l'odeur de café et de pain grillé. Je rejoins Chloé autour de la table et me sers un verre de jus de fruits. Son visage semble naïf lorsqu'elle me demande si j'ai passé une bonne nuit, ce qui me fait rire.

– Je ne sais pas toi, mais le seul terme qui me vient est « excellente ».

Elle sourit en trempant sa tartine dans son bol.

– C'était bien chouette en effet. Un très agréable moment.

J'approuve ses paroles dans un hochement de tête. Elle meuble un peu le silence et je n'arrive pas à décider si c'est parce que, comme moi, elle trouve soudainement ces blancs trop pesants, ou si elle révèle une nature bavarde que je ne lui connaissais pas.

Chloé me remercie à nouveau d'être venue pour la pétanque, et j'ai beau lui dire que c'était un plaisir, elle me le répète plusieurs fois. Elle y tenait vraiment à ce tournoi, visiblement.

– On regretterait presque de devoir retourner au boulot demain, ironisé-je en m'étirant.

Je vois le visage de Chloé se décomposer.

– Ouais.

Elle n'ajoute rien, mais son sourire a disparu et elle semble se tendre. Eh bien dis donc, je ne pensais pas que la perspective d'aller bosser la faisait tant chier...

Elle se lève et va passer son bol sous l'eau avant de le déposer dans l'évier. Le tout sans m'adresser une seule fois un regard. Quelque chose cloche.

– Chloé ?

– Par contre, déclare-t-elle en même temps que moi, je suis désolée, mais je dois m'occuper d'un truc chez le voisin.

Hating, Craving, FallingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant