Chapitre 14

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Cela fait près d'une heure que nous sommes parties maintenant, roulant presque seules sur une route étonnamment dégagée au milieu des reliefs montagneux. Le soleil est en bonne voie pour atteindre son zénith, tandis que nous filons droit vers l'enfer. Chaque kilomètre me rapprochant de la maison de mon grand-père active une nouvelle hormone de stress dans mon esprit. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir leur dire ? Comment est-ce que je vais réussir à rester calme ? J'espère que mon frère sera là avant moi.

Je soupire bruyamment.

– Ça va ?

La voix de Chloé me ramène brutalement à la réalité. J'avais momentanément oublié sa présence dans la voiture, ce qui est idiot puisque c'est elle qui la conduit. Je me redresse dans le fauteuil en cuir et me frotte les yeux.

– Tu es vraiment très silencieuse, ajoute-t-elle. Honnêtement, ça commence à m'effrayer un peu.

Nous dépassons un pré immense dans lequel gambadent plusieurs chevaux colorés. Ils courent au rythme de la musique, ce qui me fait sourire.

– Mon grand-père s'appelle Ghislain.

À son tour, elle ne répond rien. Qu'est-ce qu'elle pourrait bien faire de cette information ? De toute façon, il n'acceptera pas qu'elle utilise son prénom.

– Tout le monde l'appelle Monsieur. À part ses enfants.

– Moi aussi je vais devoir dire Monsieur ?

– J'en ai bien peur...

Elle écarquille les yeux, mais garde le silence. Je crois qu'elle commence à se demander dans quoi elle s'est fourrée.

– Tu le vois souvent ?

– Non.

– Pourquoi ?

Je me retourne à nouveau vers la fenêtre.

« Papy, regarde, je vole !

– Ne m'appelle pas comme ça Charlotte !

– Mais je vole regarde !

– Bien sûr que non, tu ne voles pas ! Ce n'est qu'une stupide balançoire ! D'ailleurs, sort de là, le bruit de ferraille est tout à fait insupportable. Rends-toi plutôt utile et va nettoyer la vaisselle. »

– C'est son cigare qui est stupide, oui !

– Quel cigare ? me demande Chloé.

– J'ai parlé à voix haute ?

– Faut croire.

Elle ne me repose pas sa question à laquelle je n'ai donné aucune réponse. Je lui suis reconnaissante de ne pas insister indéfiniment, cela finirait par m'énerver, et bien que je ne l'apprécie guère, je n'ai pas envie de déverser ma mauvaise humeur sur elle, ce n'est pas mon genre. Ce qu'il se passe dans ma famille n'est pas de sa faute, elle n'y peut rien. D'ailleurs, l'avoir emmenée avec moi n'améliorera rien. Je ne vais faire que gâcher son week-end, comme elle l'a si bien dit.

Soudainement, je me sens minable. De quel droit l'ai-je mêlée à ce carnage ? Elle a raison, elle semble avoir passé une semaine compliquée et, égoïstement, je la mène tout droit aux frontières de l'Enfer rencontrer Satan.

– Il y aura du monde ? questionne-t-elle à nouveau.

– Je ne sais pas trop. La famille du côté de mon père est assez grande, mais aussi disparate. Je ne connais pas la liste des invités, à part mon frère et mes parents.

Hating, Craving, FallingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant