Chapitre 16

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Le risotto d'asperge est absolument délicieux, et j'apprécie de le déguster dans une atmosphère légère en discutant avec ma tante. Le repas se passe plutôt bien pour le moment et je suis passée maître dans l'art d'ignorer l'autre bout de la table.

– Ah non, même pas ! rit Alma en racontant son anecdote. Charly s'était totalement déshabillée, elle avait revêtu un drap blanc en guise de toge et avait éparpillé des feuilles de laurier dans ses cheveux, puis elle avait couru partout dans le champ pour aller saluer les vaches à coup de « Ave César ». Sa mère a eu une trouille bleue ! Tu te souviens, Viviane ?

La concernée se fend d'un petit sourire discret à l'évocation de ces rares moments joyeux que l'on a partagés lorsque j'étais enfant, dont je n'ai que peu de réminiscence.

– Elle a fini par se faire courser par le troupeau, il paraît qu'elle a vite fait demi-tour, se moque Alex.

– Tu avais quel âge ? demande Chloé, riant de cette image insoupçonnée de moi qu'Alma lui renvoie.

– Aucune idée ! Je ne connaissais même pas cette histoire avant aujourd'hui.

– Elle avait quatre ans, s'immisce mon père d'une voix sèche et terne.

Et se tournant vers mon grand-père, il ajoute plus bas comme pour se justifier :

– À cette époque, on espérait encore qu'elle puisse être à peu près... normale.

La manière dont il rajoute ce mot à la fin de sa phrase manque de me faire sortir de mes gonds. J'ai envie de lui hurler dessus, mais je m'efforce de me contenir.

– Mon présent est tout ce qu'il y a de plus normal, merci, m'entends-je toutefois rétorquer d'une voix calme.

Je me concentre sur mon assiette pour pacifier mes nerfs menaçant de se révolter, et convaincre mon cerveau que ses réflexions ne m'atteignent pas. Je capte le regard de ma voisine qui semble vouloir m'apaiser. De son côté, Alma se racle la gorge et décide de changer l'orientation de la conversation.

– Et toi, Chloé ?

– Oui ?

– Parle-nous un peu de toi.

Ma collègue manque de s'étouffer avec son morceau de pain et je peux percevoir la gêne qui la traverse. Cette impression me déroute. Chloé n'est-elle pas censée apprécier d'être au cœur de l'attention, elle qui passe son temps à s'habiller de manière si excentrique qu'il est impossible de la louper au milieu d'une foule compacte ?

– Je n'ai pas trop l'habitude de faire ça... Cependant, si vous avez des questions je serais ravie d'y répondre, articule-t-elle avec un sourire hésitant.

Alma commence par lui intimer de la tutoyer, mais avant qu'elle n'ait pu formuler une quelconque question, Éric l'apostrophe à propos des suites du menu.

– C'est joli, tes cheveux, souligne alors Alex. Pourquoi tu as choisi cette couleur ?

– Ce n'est pas une couleur, affirme Chloé.

– Oui, bon, le blanc, le noir, couleur ou pas, c'est un débat d'artiste et de scientifique, argue-t-il.

– Non... Je veux dire que ce n'est pas artificiel. Je n'ai pas fait de teinture.

Un silence suit sa déclaration. J'ai du mal à comprendre, et je ne pense pas que Chloé soit du genre à mentir, surtout sur un truc aussi bateau que la couleur de ses cheveux. Pourtant, elle ne développe pas.

– Alors tu travailles avec Charly dans une agence d'évènementiel, si j'ai bien compris ? interroge Alma en reprenant la conversation où elle l'avait interrompue.

Hating, Craving, FallingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant