Chapitre 42

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Au bout d'un moment, je décide de ramener Chloé chez elle. La chambre de Pauline finira bien par être réquisitionnée, et je ne veux pas la laisser toute seule. Elle a beau habiter à côté, rien n'est pire que de se retrouver face à soi-même dans une situation pareille.

Après m'être assurée de la possibilité de sortir sans être trop exposée, j'accompagne Chloé cent mètres plus loin, dans sa partie du hameau.

J'enlève mes chaussures dans l'entrée par politesse, puis la mène jusqu'à sa chambre selon ses indications. Son corps est semblable à un fantôme et je vois qu'elle ne tient debout que dans la perspective de rejoindre son lit.

– Tu n'es pas obligée, Charly.

Sa voix est un souffle presque inaudible et je choisis de l'ignorer jusqu'à ce qu'elle le répète un peu plus fort.

– De quoi ?

– De rester avec moi.

– Je sais.

La couleur dominante de sa chambre est le blanc, et malgré l'heure tardive, on en perçoit suffisamment les éléments pour ne pas avoir besoin d'allumer. Son matelas est surmonté d'une tête de lit en palettes de bois accrochées au mur, et des petits renforts de chaque côté font office de tables de nuit. Sur l'une d'elles, trois photos de Chloé souriante dans les bras d'une jeune fille assez maigre, aux longs cheveux roux. Chacune prise à des époques différentes, la première datant visiblement du début de son adolescence. Plus les clichés sont récents, et plus Zoé est pâle et arbore un visage fatigué. La dernière se situe à l'hôpital, et malgré le contexte, leurs sourires sont éclatants.

Chloé s'installe sous les draps sans même enlever ses vêtements, mais il fait plutôt chaud dans sa chambre. Je baisse un peu le chauffage et l'incite à ôter au moins mon pull que je lui ai fait enfiler avant de sortir dans le froid. Elle se contente de hausser les épaules, à bout de force. Je décide alors de prendre les devants pour le lui enlever moi-même. Ses yeux croisent les miens et ne s'en décrochent plus. Elle se laisse faire, aidant à peine lorsqu'il faut lever les bras et me fait comprendre qu'elle veut aussi se débarrasser de sa jupe et de ses collants.

Elle m'a raconté toute l'histoire de sa meilleure amie, me l'a même déversée comme si elle n'en pouvait plus de la garder pour elle, et je crois qu'elle n'a plus la force de seulement ouvrir la bouche.

Sans aucun mot, je rabats la couette sur elle et m'installe à ses côtés. Je n'ose pas la toucher, alors je reste là, sans bouger. J'attends qu'elle s'endorme. Pendant longtemps. Mais son corps ne se détend pas, au contraire, elle se met à s'agiter. Elle se redresse pour être à mon niveau, et m'observe, les yeux à peine ouverts.

– Rentre chez toi, souffle-t-elle.

– Je suis bien ici.

– Rentre chez toi, répète-t-elle sans grande conviction. Je ne veux pas que tu me voies comme ça.

Je sens sa main s'agripper timidement à mon t-shirt. Ses paroles me disent une chose, mais tout son corps traduit le contraire. Je sais exactement ce que ça fait de se retrouver seule avec ses pensées sans pouvoir s'en dépêtrer. J'ignore à quel point elle est accompagnée dans sa vie, si Adeline est au courant de tout ça, si elle est proche de son frère ou non. Alors dans le doute, je refuse qu'elle ait à affronter quoi que ce soit seule à partir de maintenant.

Je me redresse et pose ma main sur la sienne pour tester sa résistance.

– J'aimerais rester avec toi tant que ça n'ira pas mieux, mais je peux aller m'installer dans le salon si tu veux un peu d'intimité.

À peine ces dernières paroles prononcées que je la sens s'accrocher à moi comme à une bouée dans l'immensité de l'océan, comme si j'étais la seule chose qui l'empêchait de se noyer dans ce flot d'émotions qu'elle n'arrive plus à maîtriser. Quand j'essaie de me lever, c'est peine perdue. Je n'ai pas le choix de rester à ses côtés. Mais finalement, ça n'est pas plus mal. Je ne pense pas que j'aurais réussi à la laisser dans cet état.

Hating, Craving, FallingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant