Hating, Craving, Falling

ÉPILOGUE

1 AN PLUS TARD
CHLOÉ

    – Charly... Mon chaton... Mon cœur...

Je chuchote affectueusement les mots qui me viennent à l'esprit en faisant courir mes doigts sur le dos de la plus belle femme du monde. Le léger duvet recouvrant son épiderme se hérisse, m'assurant qu'elle n'est pas morte. J'embrasse chaque parcelle de sa peau pour remonter jusqu'à sa nuque, puis je pose mon menton dans son cou et m'enivre de son odeur. Elle sent la cannelle et les quatre épices, reliquat du carnage que l'on a laissé hier soir dans la cuisine après avoir confectionné deux pains d'épices et des sablés de Noël.

– Mmhh, grogne Charly en plaquant son corps contre le mien, sans ouvrir les yeux.

Je continue de lui susurrer ma liste de mots commençant par la première syllabe de son prénom pour essayer de la réveiller, mais ça semble compliqué ce matin. Je m'agrippe à ses hanches pour me blottir tout contre elle et réajuste la couette sur nous. Son soupir d'aise vient se loger dans mon cœur et je resterais bien dans cette exacte position pour le reste de ma vie. Mais avant que je ne puisse m'assoupir à nouveau, un problème de taille me pousse à me redresser : le grondement de mon estomac est plus puissant que tous les réveils réunis !

Grognant à mon tour, j'embrasse une dernière fois le dos de Charly et me lève. J'ouvre les volets sur la lueur de l'aube pour que mon soleil se réveille en même temps que cet astre flamboyant qui paraît bien fade à ses côtés. C'est la manière dont elle préfère commencer sa journée, juste après mes baisers. Écouter le chant des oiseaux et la vie de la nature à la sortie de ses rêves la met immanquablement de bonne humeur.

Je déblaye la cuisine des restes de farine, case les pots d'épices dans leur placard et nettoie le plan de travail avec un sourire comblé sur mes lèvres. En règle générale, je suis du genre à tout ranger après avoir terminé, mais Charly a décidé de transformer ce ménage en jeu sensuel et notre sérieux n'a pas fait long feu. Nous avons fini par faire l'amour en plein milieu de la cuisine. Puis sur le canapé du salon. Puis dans le lit... Abandonnant définitivement notre travail culinaire figé dans un état de nature morte.

Je ficèle le dernier ballotin de sablés quand Charly émerge enfin de la chambre. Comme chaque matin, elle porte un de mes t-shirts de pyjama plutôt que les siens qui jonchent mon armoire. Et comme chaque matin, son premier réflexe consiste à venir se nicher contre moi pour finir sa nuit dans mon cou.

– Bonjour, lumière de mes nuits.

Je l'entends marmonner une vague approbation contre ma peau, et note la validation du terme. Charly ne tolère que les surnoms les plus classiques, comme « ma chérie » ou « mon amour », alors depuis que j'ai eu vent de cette information, je prospecte. Chaque jour j'en essaie un nouveau. Parfois ils sont mignons, souvent sincères, comme celui d'aujourd'hui. Mais je dois avouer que je prends aussi un malin plaisir à lui trouver les petits noms les plus kitsch possible. Hier, par exemple, j'ai proposé « ma choucroute sucrée », mais bizarrement ça ne lui a pas plu. Je ne comprends pas, la choucroute est un mets délicieux. C'est sûrement l'aspect sucré qui pose problème...

J'ai dû partager environ trois cents petits déjeuners avec Charly, trois cents matins à voir son visage s'éveiller comme si le café produisait chez elle le même effet que l'essence qu'on injecte dans une voiture. Trois cents matins, et pourtant, j'ai toujours l'impression de la découvrir pour la première fois. Le lever du soleil baigne la pièce d'un doux halo orangé et colore les joues de ma femme. Ses yeux verts se mettent à pétiller, et j'ai beau connaître chacun de ses traits par cœur, je n'arrête jamais d'être subjuguée par sa splendeur. Au début, le fait que je la dévisage sans vergogne la gênait, mais maintenant elle n'y fait plus attention et me laisse faire. Elle m'observe du coin de l'œil pendant que je l'admire et m'adresse parfois une grimace qui me fait rire.