Chapitre 24

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J'ai chaud. La sueur colle à ma peau. Je me frotte les côtes, elles me font mal. Des phares brillent dans la nuit et m'éblouissent. Tout est flou. Je regarde autour de moi sans comprendre où je suis. Une pression sur mes poumons me coupe la respiration. Je tousse et je crache, essayant d'attraper de l'air. Plusieurs points lumineux dansent devant mes yeux, ma vue est complètement brouillée, puis tout devient noir.

Des cris me sortent de ma léthargie. Une violente douleur au genou m'empêche de me mettre debout. Je sens un sol graveleux. De la terre. Du goudron. Bon sang, va-t-on arrêter de siffler ?! Je me redresse tant bien que mal, mais c'est le noir à nouveau.

La portière est ouverte. Une voiture. Rouge. Qui traîne derrière elle un liquide de la même couleur. Je m'approche difficilement. Le rouge ne provient pas de la voiture, mais du sang. Par terre, du sang. Plein de sang. Je me serre la figure entre les mains, essayant de me souvenir, de comprendre ce qu'il se passe. Des cris me parviennent encore, lointains. Je vois des silhouettes devant moi, toujours floues. Je me frotte les yeux et me rends compte qu'ils sont trempés de larmes. Quelqu'un vient me secouer, mais sa voix est feutrée. Le sifflement provient en fait de mes oreilles. Suis-je sourde ? Je ferme les paupières et le noir m'enveloppe encore.

Mais cette fois, dans les ténèbres, un visage sans corps, brûlé au troisième degré, m'apparaît et s'approche dangereusement de moi. Les battements de mon cœur s'affolent et je ne peux plus bouger. Des cris angoissants viennent me retourner l'estomac tandis que des lèvres carbonisées se mettent à s'agiter, une voix démoniaque en sortant.

« Tu n'es rien, pas même mon enfant ! »

La bouche s'ouvre et s'étire, de plus en plus largement, et vient aspirer le peu de vie qui me reste, à la manière des Détraqueurs d'Azkaban. Je m'effondre durement sur le sol et sens une main m'écrabouiller l'avant-bras. Je tourne lentement la tête en parvenant à peine à ouvrir les yeux. Mon père est allongé à côté de moi dans une position étrange et son regard contient plus de haine que la Terre entière.

« Maintenant, tu sais ce que ça fait. »

Je me réveille en sursaut, plaquant ma main contre ma poitrine. Mon cœur menace de se décrocher de ma cage thoracique tant il bat fort. Ma respiration est erratique et difficile. Je m'assois sur mon lit et expire longuement en essayant de me calmer. La lune, d'un cercle parfait, envoie sa lumière pour me rassurer et emplit la pièce d'un doux voile lacté.

J'attrape mon verre en forme de cactus, posé sur ma table de nuit, et aspire de longues goulées d'eau dans la petite paille verte. Ces cauchemars me fatiguent. Ils me hantent depuis des années, et plus j'avance, plus ils deviennent violents.

Il est à peine cinq heures du matin, mais je me lève, sachant que je ne pourrais pas me rendormir. Le salon est vide et silencieux quand je le traverse pour accéder au balcon. Je m'installe sur la balancelle avec un automatisme déconcertant et admire le ciel.

Je n'ai jamais vraiment été du genre à croire que ma grand-mère pouvait me voir depuis là-haut, mais aujourd'hui, je me demande ce qu'elle penserait si tel était le cas. J'ai du mal à me reconnaître. À reconnaître mon comportement, ma passivité et mon abattement. Mamie m'aurait secoué comme un prunier, puis m'aurait serré fort dans ses bras pour me remplir de courage avant de me filer un bon coup de pied aux fesses. Cette pensée me décoche un sourire.

Mon cœur s'est enfin calmé, mais les images demeurent imprimées sur ma rétine et ma cage thoracique reste compressée. De petits bruits feutrés et un doux miaulement m'indiquent qu'Artémis me cherche. Quelques secondes lui suffisent pour me trouver. Il grimpe sur moi et vient frotter son pelage contre mes cheveux.

Hating, Craving, FallingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant