Chapitre 45

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Je toque à la porte et attends que Chloé réponde en triturant le carton de la boîte de pâtisseries que j'ai achetées sur le chemin. Quand elle apparaît dans l'encadrement, la fatigue marque toujours son visage, mais on peut y déceler un peu d'éclat retrouvé. C'est plutôt positif. Une mine interloquée s'installe lorsqu'elle m'aperçoit.

Je remarque tout de suite sa tenue. Je la découvre dans un accoutrement de vêtements étranges, un débardeur jaune fluo sur un t-shirt blanc et une jupe rouge courte en vinyle sur un pantalon de jogging gris. Quelque chose semble avoir mal fonctionné ce matin...

– Salut !

Elle semble en arrêt sur image et il lui faut quelques secondes pour sortir de sa stupeur, ses noisettes écarquillées revenant peu à peu à leur taille habituelle.

– Charly ?! Mais...

Elle stoppe en plein milieu de sa phrase et baisse la tête pour jeter un coup d'œil à sa tenue.

– Hum... Qu'est-ce que tu fais là ? demande-t-elle avec un sourire un peu gêné en ôtant sa jupe.

– Je suis passée voir si tu allais bien.

Ses sourcils se haussent de surprise. Une surprise agréable, je crois.

– Oh ! Ben... c'est vachement sympa.

Pourtant, elle reste immobile, comme figée sur le pas de la porte. Elle ne pensait sûrement pas me revoir avant son retour au boulot, suite à notre échange de dimanche... Après un flottement où nous nous fixons du regard, elle finit par me laisser entrer.

– Euh, désolée, ne fais pas attention au bazar, je me suis lancée dans un grand tri.

En effet, le sol est jonché de petits cartons et sacs de courses remplis de vêtements et bibelots en vrac. Certains se baladent aussi sur le canapé et sur les tables.

– Tu déménages ? demandé-je avec une pointe d'anxiété dans la voix.

Ça serait quand même franchement con que la seule fille que j'ai jamais aimée décide de partir maintenant. Même si ça me rendrait service, quelque part. Il est parfois plus facile d'oublier une personne quand celle-ci disparaît...

Je glisse la boîte de gâteau sur la petite table en verre et m'affaisse légèrement sur le canapé. Cependant, je remarque assez rapidement que ça ne ressemble pas à un déménagement.

– Non, non ! Je... hum. Je fais un peu de tri. Une sorte de ménage de printemps anticipé. Ou en retard.

Je tends la main vers un vieux carnet posé devant moi, au milieu d'autres objets. Il est décoré de paillettes comme celui que j'avais trouvé chez sa mère, et à l'intérieur, des partages de petits messages secrets entre deux écolières.

– Ça, c'est ce que je garde, souffle-t-elle à l'égard du carnet, mettant la peluche qu'elle tenait à la main dans un sac poubelle.

Et soudain, je comprends.

– Tout ça appartenait à Zoé ?

– Pas tout, mais c'est ce qu'on a partagé, oui, depuis qu'on se connaît. Donc... depuis toujours.

Je hoche la tête respectueusement. Passée la tristesse, elle semble avoir pris les devants pour se remettre d'aplomb. Je ne peux m'empêcher de me sentir fière d'elle. Je remarque tout d'un coup que j'ai pris place sur son canapé sans vraiment en avoir conscience et que malgré la tension que je ressens, notre échange paraît naturel. Ma présence ici apparaît comme tout à fait normale et je ne me sens plus le cœur d'évoquer notre dernier échange. Je décide donc de faire comme si de rien n'était.

Hating, Craving, FallingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant