Six

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Newcastle Upon Tyne, Angleterre
Un mois plus tôt, 4 novembre 2021
𝓞jee

𝓞h, Ralph... J'ai le cœur lourd à l'idée de me séparer de toi. Conscience, aussi, de la chance que j'ai de te tenir dans mes bras. J'aimerais pouvoir prendre toutes tes peines et tes blessures et les cicatriser, les garder pour moi.

Combien de fois m'as-tu dit : « Je t'aime à un point que tu ne peux imaginer », sans savoir que ces mots me semblaient dérisoires tant mes sentiments dépassaient l'entendement.

J'imagine déjà tes larmes...

Ma sincérité n'a pas de limites, je ne peux pas concevoir que tu sois malheureux. Je reste silencieuse, mais je vois et j'entends. J'aimerais juste t'apaiser. Te rappeler, avant de briser tes espoirs, que j'ai beau avoir connu des êtres bons, aucun ne s'est montré aussi généreux et fantastique que toi.

N'oublie jamais comme tu m'apportes et comme ta bonté résonne dans le cœur de ceux qui t'entourent. Je t'aime pour ton passé, tes failles, ce sourire qui me renverse tant il barre la totalité de ton visage. Tes passions, l'énigme que tu représentes, tes parts sombres comme la lumière, l'entrain et la jovialité que tu dégages.

Je t'aime pour ton rire cristallin, ta sensibilité, ton parfum au beurre de cacao, la symbiose de nos deux corps, l'explosion de douceur et de sensations que ton toucher provoque chez moi.

Des promesses, je n'en ferai pas. J'aurais souhaité que notre histoire dure, que nous vivions mille et une aventures sans penser à rien d'autre qu'à nous. Hélas, ce n'est pas la vie dont je rêve et je l'ai su en tentant de poser le décor plusieurs fois.

J'ai imaginé que nous habitions cette maison rustique non loin de l'aqueduc de Galas, où nous séjournons quelques fois. La propriété appartient à ton grand-père et t'a été léguée six mois après que nous nous soyons rencontrés.

Reliée au village par un pont en pierres, elle borde une rivière et son reflet apparaît à travers les algues abstraites. Il y a des oliviers, des volets et un portique verts, une verrière qui contraste avec une haie de lilas et de photinias rouges.

Nous lirions sous le chêne dans la cour, pieds nus au contact de l'herbe fraîche, parfois interrompus par les avirons, captivés par la puissance des rameurs qui battent l'eau.

Tu me proposerais d'y emménager. Soudain, un étrange sentiment creuserait ma poitrine. Je me terrerais dans le silence. Tu ne comprendrais pas ma réaction, mais tu saisirais mon malaise évident.

Depuis combien de temps sommes-nous ensemble ? Est-ce suffisant pour se connaître sur le bout des doigts ?

Alors, j'ai imaginé habiter un appartement tout en baies vitrées au cœur de Nazaré, surplombé par un bâtiment jaune à l'architecture haussmannienne. Seule. Sans ta silhouette protectrice qui me prépare un petit-déjeuner, tes vêtements qui jonchent le sol et que tu jettes sous le lit pour éviter d'avoir à les ranger, tes posters envahissants ou un quelconque programme télé imposé.

C'est sans doute à cet instant que j'ai compris une vérité douloureuse, mais essentielle : je ne fonderai rien de solide avec toi. Ni un foyer, ni des projets concrets sur le long terme. Nous ne nous correspondions pas. Je ne parviendrais jamais à t'apporter ce que tu désirais.

Cette perspective erronée d'un « nous futur » a creusé un fossé si grand et pourtant si imperceptible que nous avons sauté dedans à pieds joints. L'amour du risque ? La crainte du confort et de la routine ? Une vie que nos peurs respectives ont rendu idéale ?

Une chose est sûre, tu vis dans un monde que tu idéalises. Le réaliser causera ta perte ou, du moins, bien des tracas. Tu ne peux pas continuer à croire à notre bonheur, à notre histoire si tu omets sur quelles bases elle repose. Ne te voile pas la face, admets que je ne suis pas celle qu'il te faut malgré l'amour évident qui règne entre nous.

Il ne suffit pas toujours.

La Justesse de tes ÉmotionsWhere stories live. Discover now