La Justesse de tes Émotions

Vingt-neuf

Quartier de Portobello
Édimbourg, Écosse
1er octobre 2023

𝓞jee

𝓒her Ralph,

Voilà quelques mois que je ne pense plus à toi. J'ai fait le deuil de notre histoire, j'ai enfin accepté. J'y songe non plus avec regret, mais avec beaucoup de douceur.

La première fois que je t'ai écrit, j'étais étudiante depuis peu, j'ai manqué de me faire percuter par une voiture en traversant et j'attendais, le regard vide, assise dans le tram. J'avais l'esprit ailleurs. Mes doigts étaient si gelés par le froid que j'ai patienté jusqu'au soir pour t'adresser ces infinités de pensées.

Dans un sens j'étais rassurée d'être loin de toi, au sens propre comme figuré. Habiter dans une autre ville m'aiderait sans doute à cicatriser cette plaie tortueuse... Puis j'ai vite revu mes choix, fait le point sur ma vie. Nouveau départ, nouvelles larmes, fébrile et débordante d'émotions.

Retour à la case départ, me suis-je dit.

Mais tout au fond de moi, j'y voyais l'opportunité que l'univers se réaligne.

Lui n'a pas été clément, mais m'a forcée à comprendre : à vingt ans, cinquante ans, soixante-dix ans – l'âge n'est pas une référence – l'amour fera toujours mal. Certains se reconstruisent rapidement, d'autres ont besoin de plus de temps.

C'est sans importance.

Il n'y a pas de deadline, pas de parcours de vie à respecter, pas de normes auxquelles se rattacher. Il faut s'en délester. Suivre sa propre voie. Écouter son cœur, son intuition, avancer pas à pas et savoir s'ajuster. On vous le fera croire, or ce n'est pas inné : tout s'apprend.

Mon cœur réclamait plus de temps.

Aujourd'hui j'ai tourné la page, mais je veux que tu restes à jamais mon refuge, mon oasis, ce havre de paix dans lequel tu m'as toujours permis de m'exprimer librement. J'imagine que tu m'ouvres tes bras, tu tends l'oreille et tu me dis : Ojee, parle-moi, ne garde pas toutes ces choses enfouies en toi.

Alors je te réponds : je fais de mon mieux. Je suis fière de moi, Ralph. Fière de voir que je suis capable.

J'ai tant à donner.