Vingt-quatre

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Quartier de Portobello,
Édimbourg, Écosse
28 janvier 2023

𝓞jee

𝓒her Ralph,

Je serai brève cette fois-ci, car les mots me manquent. Quarante-huit heures se sont écoulées depuis que tu as resurgi physiquement dans ma vie, celle que tu aimes à ton bras. À savoir : ce n'était plus moi.

Je me sens idiote de t'écrire maintenant. J'en tremble, la nausée me monte. Je me sens idiote de m'être montrée si vulnérable, que tout ça m'atteigne encore. J'ai su retenir mes larmes jusqu'à ce que vous tourniez à l'angle de la rue, mais les heures qui ont précédé cette rencontre ont été un véritable cauchemar.

Je devais garder la face, agir comme de coutume, faire la fête et sourire et manger et chanter et danser. Sauf que je ne désirais qu'une chose, me terrer quelque part dans un coin et n'en ressortir qu'une fois libérée de mes vieux démons. Même si j'aurais préféré, on ne peut pas les cacher indéfiniment dans le placard.

Tous m'ont dit que j'étais égoïste de réagir ainsi. Après tout, ça a toujours été ma décision. J'essaie de ne pas y penser.

Je refusais d'y croire et voilà que la vérité m'est tombée sous le nez, plus violente et brutale que je n'aurais jamais pu l'imaginer.

Je ne me languissais que d'une chose, Ralph : trouver un endroit où me réfugier pour pleurer, pleurer, pleurer jusqu'à plus de larmes. Je crois que ce qui me fait le plus de mal, c'est ma passivité. Je ne suis pas impuissante, je ne l'ai jamais été. Ce sont mes choix qui m'ont conduite ici.

Il n'empêche que te voir a été un électrochoc. Mon corps ne répondait plus de rien, seul mon chagrin subsistait au milieu de ce décombre de pensées. Je ne la voyais même pas, je ne voyais rien, je ne voyais plus que les restes d'un amour avorté.

Je n'ai jamais cessé de t'aimer, Ralph. J'ai sans cesse cette foutue question qui tourne dans ma tête : pourquoi est-ce que je ne me bats pas ? Pourquoi est-ce que je ne me bats pas ?

J'écris des lettres qui parlent de nous depuis plus d'un an, sauf qu'il n'y a plus de nous. Je ne dois plus espérer. Je dois tirer un trait, avancer, croire que quelque chose de beau m'attend ailleurs.

C'est dingue, mais j'ai la profonde conviction que ce ne sera jamais dans cette ville que je saurais m'épanouir.

Tu avais l'air tellement heureux, Ralph. Tellement... changé. Tu as changé pour la personne qu'il te fallait, pour la personne qui te correspondait. Ce ne sont que des apparences, mais la vôtre a suffi à confirmer tous mes doutes : je ne serai jamais à la hauteur pour toi. Nous ne partagions pas les mêmes attentes, nous n'avancions pas au même rythme. La faute au mauvais timing.

C'est le clap de fin, celui qui impose que l'on referme la page avec un arrière-goût amer – celui de la rancœur.

Saurais-je l'accepter un jour ?

La Justesse de tes ÉmotionsWhere stories live. Discover now