8. responsable

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Je n'ai pas vraiment le temps de réfléchir à ce que je vais dire, ou ce que je vais faire, parce que la ruelle est beaucoup plus proche que ce que je ne pensais et Eden s'est penché sur le côté pour recommencer à vomir. Magnifique. Ce mec me traite comme de la merde et voilà que je m'occupe de lui. Je crois bien que je ne pouvais pas tomber plus bas sur l'échelle de mon échec sociale.

Pourtant, j'accours quand même vers lui, et j'ai cette réflexion débile que de me dire : heureusement qu'Eden n'est pas une fille et n'a pas les cheveux longs. Parce que oui, les cheveux sont souvent ceux qui subissent le plus les méfaits du vomis. Là, tout ce que je peux faire, c'est passer ma main dans son dos et le rassurer. Sauf que je ne fais rien, je reste juste accroupi devant lui, évitant de regarder ce qui est en train de sortir de sa bouche pour ne pas être malade à mon tour.

Je ne peux pas le toucher. Je n'y arrive pas. J'ai trop peur de ce qu'il pourrait me dire, même s'il a l'air à peine conscient de la situation, et j'ai trop peur également de ce que ça me ferait à moi. Alors j'attends simplement qu'il ait fini, et lorsque c'est le cas, je lui tends un mouchoir que je sors de ma poche. Il ne relève toujours pas les yeux alors qu'il s'essuie la bouche et je crains vraiment le moment où il comprendra que c'est moi, la personne témoin du fait qu'il soit malade. Je ne pense pas qu'il le prenne bien. Déjà, en ce qui me concerne, avoir quelqu'un à côté de moi qui me regarde vomir me ferait presque mourir de honte, je me doute bien que ce ne soit pas très glorieux pour lui aussi.

En même temps, je sens une légère colère monter en moi, la même que chaque fois que j'ai à faire face à Eden, une colère pleine de frustration. Comment a-t-il pu boire pour se retrouver dans cet état ? Quel plaisir peut-il bien y trouver ? Bien entendu, Jonas et moi avons déjà été malades à cause de l'alcool, mais sur le coup, je m'en fiche, je ne prends pas en compte que ça arrive à tout le monde. Tout ce à quoi je pense c'est de me demander à quel point il est idiot pour se retrouver dans cet état. Et puis, il ne buvait pas avant, la fois où je l'ai rencontré. Je ne pensais pas que c'était un point chez lui qui m'avait plu, mais je m'en rends compte. C'était un détail qui l'avait rendu plus intéressant encore à mes yeux, et là, il vient de partir en fumée. De toute façon, toute cette rencontre est partie en fumée, je ne vois même pas pourquoi je continue d'y penser.

Eden passe une main sur son visage, essayant la sueur sur son front. Je remarque que sa main tremble légèrement, il doit se sentir légèrement affaiblie. Ce qui est normal dans ce genre de situation. Ce n'est peut-être pas le moment de lui crier dessus pour lui montrer à quel point il est irresponsable. Je regarde rapidement autour de moi, distinguant les effusions de voix provenant du bar, plus loin dans la rue adjacente. Peut-être que je devrais aller chercher Anton, tout simplement ? Après tout, c'est son ami, et il sera plus à même de s'occuper de lui. Eden commence à s'agiter à côté de moi, il grogne en ramenant ses jambes contre lui et en cachant son visage derrière ses bras qui entourent ses genoux. Je ne peux pas le laisser ici, il faut que je le bouge, il est en t-shirt et ce n'est pas super qu'il reste là au milieu de la nuit, malade. Mais je suis toujours bloqué, les mots ne veulent pas sortir de ma bouche et mon corps ne veut pas réagir aux ordres de mon cerveau.

Une ombre apparaît alors dans la rue, je me tourne subitement, espérant fortement que ce soit Anton qui se manifeste. Cependant, je ne reconnais pas sa silhouette, et comme la personne est en contre-jour (ou plutôt contre-lumière étant donné qu'il est plus d'une heure du matin), il est difficile pour moi de distinguer les traits de son visage. La personne commence alors à ricaner fortement, comme si elle se moquait d'Eden, et je prends rapidement la mouche. Je me remets debout, la lumière de la rue derrière ne me bloque alors plus la vue, et je reconnais le fameux Danny, à qui Eden avait roulé une pelle magistrale à la fin de la réunion. Encore plus irrité que je ne pouvais l'être par le comportement d'Eden, je serre les dents.

Pour que tu m'aimes encoreWhere stories live. Discover now