30. utile

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Pour une fois, je suis assis dans le fond de l'amphithéâtre, et Lys somnole à côté de moi. Cela fait déjà la deuxième fois que nous assistons à ce cours, et honnêtement, c'est le cours le plus ennuyant que j'ai jamais eu à écouter de ma vie. C'est simple, le fait que Lys et moi ayons élus domicile au fond de l'amphithéâtre suffit à le prouver. La semaine dernière, semaine de rentrée du deuxième semestre, nous nous sommes assis à notre place habituelle, vers le premier rang, pour ressortir avec la tête grosse comme une pastèque, et une forte envie de piquer du nez.

Et je suis tellement au fond du fond de l'amphi que j'arrive même à voir Eden et sa bande. Ils sont situés au centre de l'amphithéâtre, un peu plus vers le haut, occupant plusieurs sièges sur plusieurs rangs, les uns derrière les autres. Ils chahutent, bien sûr, et pour une fois, je ne leur en veux pas. Le monologue monocorde de notre professeur, et qui plus est son sujet totalement inintéressant – l'évolution des étalages de marché le long de l'histoire – et son manque total et profond d'enthousiasme et de pédagogie ont eu raison de moi. Pourtant, en bon élève stressé que je suis, il en faut beaucoup pour me décourager de suivre un cours, j'ai bien trop peur d'avoir des mauvaises notes. Mais là, j'en suis au point de me dire que ma moyenne sur les autres matières suffira à rattraper celle-là.

Voilà presque une semaine et demie que nous avons repris le chemin des cours, et tout est redevenu comme avant. Le avant d'avant. Enfin, peut-être un entre-deux, en fait. Surtout quand je vois le buste d'Eden se tourner vers le fond de l'amphi, vers l'endroit où je suis, que son regard croise le mien, et qu'il me fait un grand sourire. Parce que ça, ça ne fait clairement pas parti du avant d'avant, le avant qu'il se passe quelque chose entre nous, avant qu'on se touche comme si c'était normal, avant qu'on ne s'embrasse dans les toilettes d'une boîte de nuit pourrie, avant que Lys soit au courant. Mais ce n'est tellement pas assez. Ce ne rien contrairement à l'avant, ce n'est rien comparé aux mains entrelacée, aux nuits passées à dormir ensemble, à ses mains qui entourent mon visage et à sa tête contre mon torse. C'est comme si on avait finalement trouvé l'entre-deux qu'on n'avait pas réussi à atteindre avant. Parce ce qu'il y avait ce moment où on ne pouvait plus se supporter, moi à cause de ma peur, et lui de sa rancœur, et il y a eu, ensuite, trop vite après, le moment où on se supportait trop.

Maintenant, on a trouvé le juste milieu. Celui où on est ami, où on se salue quand on se croise dans les couloirs, où on s'envoie quelques textos quand l'un pense à quelque chose qui pourrait plaire à l'autre et où on se sourit quand nos regards se croisent, comme maintenant. Je pousse un soupir dès qu'il a le dos tourné, et je fais de même, posant mon coude sur la table et calant ma tête à l'intérieur. Mon regard croise celui de Lys qui m'observe. Elle a littéralement la joue posée contre le bois de la tablette et elle souffle sur les mèches de cheveux qui lui tombent devant le visage.

- On a l'air con, dit-elle simplement.

Je hoche la tête.

- Jonas ?

Elle hausse une épaule et fait non de la tête.

- Ma faute, il sait que j'ai lu la lettre, mais je ne lui ai toujours pas répondu.

- Pourquoi tu ne le fais pas ?

Elle ne répond pas et ferme les yeux. Quand elle ouvre la bouche à nouveau, je ne suis pas surpris de constater qu'elle change de sujet :

- Eden ?

Elle ouvre les yeux au moment où je ferme les miens.

- La faute à personne, je ne suis pas sûr qu'il est sensé se passer quelque chose de nouveau entre nous. Il est bien, avec Danny, la preuve, il nous l'a ramené en un seul morceau. Et moi, je...

Pour que tu m'aimes encoreWhere stories live. Discover now