11. remords

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Pourquoi est-ce que je me sens vide ? Je sais que lorsque l'on vient d'avoir un rapport sexuel, on a tendance à se sentir plutôt comblé, normalement. Pas vide, comme moi. Je ferme lourdement les paupières et expire longuement alors que Shelly, toujours nue, se blottit contre moi. J'ai fait une erreur. Je le sens au plus profond de moi, mais je sais aussi que je me voile la face et que je fais semblant de ne rien voir. A quel point les cachoteries internes de son être peuvent-elles devenir paradoxales ? Parce que j'ai clairement l'impression de battre des records. Si quelqu'un veut me disséquer pour m'étudier, je peux même dire que je suis partant, là maintenant, car rien d'autre ne me permettrait d'oublier le vide en moi.

Au dessus de ma tête se trouve une immense fenêtre faisant presque toute la longueur du mur, et lorsque j'ouvre les yeux et scrute, à l'envers, le ciel, je m'aperçois que le soleil est en train de se coucher. L'appartement de Shelly est lumineux, et accueillant. Rien à voir avec ma cage à poule à la résidence universitaire. Son appartement fait trois fois la taille du mien, donc un grand vingt sept mètres carré, avec la salle de bain dans une pièce séparée et une cuisine américaine dans un coin de la pièce principale, qui sert de chambre et de salon. C'est sûr que si je vivais tous les jours dans un appartement de ce genre, je me sentirais beaucoup moins compressé que dans le mien, et je ne rechignerais pas à rester une journée ou deux enfermé à regarder des séries et glander en pyjama. Mais ça fait parti de la vie, ça aussi, réussir à se payer ce qu'on peut avec ce qu'on a. C'est une leçon que je m'inflige moi-même, et je vais surmonter tout ça. Ce n'est pas un problème, et ça ne m'effraie pas.

Non, ce qui m'effraie plus, c'est l'envie irrépressible que j'ai de partir tout de suite. Je ferme de nouveau les yeux. Je ne peux définitivement pas faire ça, j'ai trop de respect pour Shelly. Je sais que ce n'est pas de sa faute, seulement de la mienne, d'une certaine façon, je ne peux qu'être complètement fou d'avoir une telle envie maintenant, mais elle est bien là et je ne peux pas l'ignorer. Les ébats que je viens d'avoir avec Shelly sont encore marqués sur ma peau, la sueur perle sur mon front et mon souffle est court. Mais je n'en ai plus aucun plaisir. C'est vrai, pendant que j'étais en elle, je ne pensais plus à rien, je ne me souvenais plus vraiment pourquoi je suis venu ici, et je me fichais de savoir comment j'allais me sentir après. Mais maintenant, je suis bien obligé d'y faire face.

Je me sens comme un enfoiré. Je n'ai pas fait l'amour à la fille que j'aime. Je l'ai baisé pour me sentir mieux, pour me sentir important, pour me sentir désiré, pour me sentir comblé. Cette fille qui m'a tant donné, cette fille qui m'a offert un soutien sans faille depuis que j'ai décidé de n'en faire qu'à ma tête. Elle aurait pu se barrer, comme tous mes autres amis, et me laisser en plan. Mais elle n'a pas fait ça. Elle m'a poussé à vivre ma vie comme je l'entendais, peu importe les obstacles, le fait que nous ne pourrions plus nous voir autant qu'avant, le fait que nous ne pourrions plus partir en vacances tous les étés comme avant, le fait de ne plus être capable de manger au resto, de s'offrir des cadeaux hors de prix. Elle a sacrifié bien des choses, et même si ce n'est que du matériel, ou du sentimental,  d'autres filles ne l'auraient pas supporté.

Et voilà comment je la remercie.

- Ça va ? me demande Shelly en se redressant légèrement.

Ses cheveux blonds descendent en cascade, masquant ses seins d'une façon particulièrement élégante. On pourrait croire qu'elle pose pour un magazine, et je jure que je tordrais le cou du photographe qui oserait penser qu'elle a besoin d'un retouchage. Je ne la mérite clairement pas, surtout aujourd'hui. Je passe ma main dans ses cheveux et c'est comme se faire lécher la peau par des centaines de bouts de verre. Je hoche la tête et amène son visage près du mien pour y poser un baiser chaste.

- Je ne veux pas avoir l'air trop malpolie... commence-t-elle avec un petit sourire gêné. Mais c'est l'anniversaire de mon frère ce soir, et...

Pour que tu m'aimes encoreWhere stories live. Discover now