39. Joyeux anniversaire (1ère partie)

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- Alors, où est-ce qu'on va ?

Shelly garde la tête tournée vers la vitre teintée du uber que nous avons loué, les mains liées sur sa robe d'un rouge profond, assorti à son rouge à lèvre et à ses chaussures. J'avoue, quand je l'ai vue m'attendre devant la portière de la voiture, quand je suis sorti de mes yeux, je l'ai trouvé fascinante et magnifique, ses cheveux blonds en cascade sur cette robe longue rouge. J'ai eu un léger pincement au cœur en voyant sa tenue, surtout que je n'ai fait qu'enfiler le premier jean qui me tombait sous la main - un jean noir -  et une chemise jaune pétant, le tout avec ma veste en jean par dessus.

-Surprise, me répond-t-elle.

Mes ongles frottent mon jean tandis que je regarde moi-aussi par la fenêtre. J'ai dix neuf ans depuis ce matin, et la seule personne qui me m'a souhaité mon anniversaire est Shelly. Je sais que je peux compter les gens qui connaissent la date sur les doigts d'une même main, mais je ne peux m'empêcher de ressentir un petit pincement au cœur.

Dans un coin de mon esprit, j'espérais que Jonas en aurait profité pour m'appeler, pour qu'on fasse comme si de rien n'était, qu'on oublie cette histoire d'engueulade. Mais ça n'est pas arrivé, et ça n'aurait pas été une solution non plus. Plus profondément aussi, j'espérais qu'Anton s'en soit souvenu, et qu'il l'ait dit à Eden, mais pas de nouvelle. Les sms d'Eden peuvent aussi se compter sur les doigts d'une seule main, d'ailleurs, depuis qu'il est venu chez moi. Il répond toujours quand je le lui en envoie, et il n'a pas l'air distant, mais ses messages créent en moi un vide à chaque fois, comme s'ils étaient aussi creux que mon cœur. On s'est vu plusieurs fois entre les cours cette semaine, mais Eden n'avait jamais le temps pour qu'on discute vraiment.

Avec tout ça, je n'ai même pas eu le cœur de dire à Lys que c'était mon anniversaire à la fac aujourd'hui.

Shelly me prend la main, et ma bouche a soudainement le goût âcre de la fumée.

- A partir de maintenant, ferme les yeux.

- Hein ?

- Allez, fais-le ! sourit-elle.

Elle se penche en avant et m'embrasse. Je me sens si sale. Combien de temps vais-je réussir à jouer la comédie ? Ce soir, je ne me sens vraiment pas bien.

Shelly me dévisage, comme si elle pouvait deviner que quelque chose ne va pas, mais de peur qu'elle ne finisse par le découvrir réellement, je ferme les yeux. Ses doigts se resserrent contre ma main moite et je me concentre sur le bruit de la voiture et les coups de klaxon à l'extérieur. Je n'ai jamais beaucoup aimé les surprises et celle-là est de taille.

La voiture ralentit finalement et s'arrête, mais Shelly m'ordonne de ne pas ouvrir les yeux et elle sort de son côté pour venir ouvrir ma portière. Elle attrape mes poignets et me guide sur le trottoir. N'y voyant rien, j'essaye d'écouter, mais je ne perçois rien de plus que les bruits ambiants de la ville. J'essaye de deviner où elle aurait pu m'emmener, et pourquoi autant de cachotterie. Peut-être Disneyland, mais j'entends trop de coups de klaxon et de personnes qui râlent pour qu'on soit vraiment au pays des rêves. Peut-être un restaurant sympa. Non, finalement, je n'en ai aucune idée. Peut-être parce qu'il n'y a nulle part où j'ai réellement envie de me trouver maintenant.

- Attention à la marche.

Je soulève lentement le pied, et la pointe de ma chaussure rencontre en effet une marche, puis deux. La luminosité que je perçois au travers de mes paupières fermées faiblit pour s'illuminer plus fort encore dès que nous pénétrons à l'intérieur. Les odeurs de la cage d'escalier, un mélange de lavande et de produit nettoyant, me semblent familières, mais j'ai peu l'habitude d'utiliser mon odorat pour me souvenir d'un lieu alors je n'en suis pas si sûr.

Pour que tu m'aimes encoreWhere stories live. Discover now