14. philophobie

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Je crois, non j'en suis sûr, que j'ai la pire gueule de bois de toute ma vie. Tout du moins jusqu'ici, c'est à dire l'année de mes dix-huit ans, mais j'espère bien ne jamais avoir à refaire une expérience telle que celle-ci. On est lundi, et j'ai encore l'impression d'avoir la tête dans le troufion alors que la soirée remonte à samedi soir et que j'ai passé mon dimanche enroulé tel un rouleau de printemps dans ma couette. C'est une horreur et je suis dans un état pitoyable. Et le pire, c'est que je me souviens encore très bien de la soirée. Pourtant, je pense que ce n'est pas normal, je dois encore avoir de l'alcool dans le sang avec tout ce que j'ai ingurgité samedi soir, donc, j'aurais dû tout oublier, faire un blackout comme la plupart des gens font quand ils se soûlent comme des ivrognes.

Apparemment, la vie veut me punir. Me punir d'avoir été un parfait idiot.

Et voilà ma double punition, commencer les cours du lundi avec un cours en amphithéâtre, et donc, tous les élèves de ma licence. Donc, Eden. Eden qui doit vouloir me trucider. Eden qui m'a clairement fait comprendre que je n'étais rien d'autre qu'un lâche à ses yeux. Eden qui a totalement raison sur moi. J'ai essayé de me convaincre tout le week end que ce n'est pas grave, et qu'Eden est libre de penser ce qu'il veut sur moi sans que cela ait un impact sur ma vie. Mais impossible de me rentrer ça dans le crâne. Je ne veux pas qu'il pense que je sois un lâche, mais en même temps, je ne vois pas quoi faire pour changer son opinion, et soyons franc, je n'ose même pas imaginer aller lui parler. Peut-être même d'ailleurs préfère-t-il continuer son existence sans même entendre parler de moi. Sauf qu'on risque d'être amené à se croiser souvent, et la seule solution que j'ai trouvé pour l'évincer de ma vie, c'est ne plus aller en cours et ne plus voir Anton. Si, preuve de ma lâcheté, je suis tenté de faire une croix sur Anton pour éviter d'augmenter mes chances de croiser Eden, je ne peux cependant pas abandonner les cours. Pour ces cours, j'ai laissé tomber mes parents, l'estime qu'ils ont de moi, une existence pleine de paillettes et de champagne.

C'est donc forcément du pied gauche que je me suis levé aujourd'hui. Shelly voulait aller au cinéma ce soir, mais je travaille, et je me sens mal de me dire que ça m'arrange. Il va falloir que je règle ce problème assez vite, et que je réorganise les pensées de mon cerveau. Hors de question de me comporter comme un parfait connard avec Shelly. Elle est sans aucun doute l'une des meilleures personnes que j'ai eu l'occasion de rencontrer dans ma vie, et je ne peux pas la laisser passer. J'ai déjà tellement de mal à me lier d'amitié avec les gens, alors je ne vais pas commencer à tout faire foirer autour de moi sous prétexte que j'ai un problème mental. Le mental, ça se travaille. J'aime Shelly, et je vais la chérir jusqu'à ce qu'elle ne voudra plus de moi.

Quand j'arrive, les portes de l'amphithéâtre sont déjà ouvertes. J'ai vraiment la tête dans le troufion pour arriver en retard, bon sang. Déjà que je suis à la limite de me bouffer le doigt étant donné que je m'acharne sur mes ongles qui sont devenus inexistants à force d'être rongés, je sens que mes nerfs vont lâcher. D'ailleurs, alors que je me trouve une place au troisième rang sur le côté droit, je me rends compte que je n'ai plus aucun ongle de disponible. Ils y sont tous passés, et sont maintenant si près de ma chair que ça me fait mal rien que de tenir un stylo. Même le petit doigt a été attaqué et éradiqué de la surface des ongles de ma main. Je griffonne sur les bords de ma feuille en attendant que l'amphithéâtre se remplisse. Alors qu'un visage entre dans mon champ de vision, j'ai pour réflexe de me reculer, mais trop tard, Lys a attrapé mon visage entre ses ongles aux couleurs vert pomme et me plante une léchouille sur la joue.

- T'es vraiment crade !

Lys se contente de s'esclaffer avant de s'asseoir à côté de moi et de sortir ses affaires. Je frotte ma joue avec la manche de mon pull tout en fronçant les sourcils.

Pour que tu m'aimes encoreWhere stories live. Discover now