Chapitre 7 : La tombe

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L'herbe commence à peine à repousser sur l'amas de terre retournée. Le vent siffle entre les arbres comme un chant funèbre. Et les deux sœurs sont enfin réunies.

Devant la tombe d'Awena, Isis est recroquevillée, mais son visage reste digne. Il lui a fallu une semaine avant de trouver le courage de venir ici. Et les larmes tombent. Une d'abord, puis des dizaines, qui s'infiltrent dans la terre du tombeau. Je m'éloigne pour lui laisser de l'intimité mais elle me rattrape par le poignet, sans même me regarder:

- Ma sœur. Puissent ces larmes te servir de sépulture. Je sais que ton âme est loin mais ton corps que ces lâches ont martyrisé repose sous nos pieds. Que tu m'entendes ou non, je jure de poursuivre l'idéal qui était le tien, que Méridians et non-Méridians vivent en paix. Comme tu rêvais de vivre à nouveau avec ta famille... Mais toi, que ce soit dans les profondeurs de la terre ou dans le cœur d'une étoile, repose-toi, ma sœur. Dors et rêve, l'âme en paix.

Isis relâche mon poignet dans lequel ses ongles commençaient à marquer la chair. Pour toute explication, elle me lâche :

- Un serment sans témoin serait un serment que je n'aurais pas le courage d'accomplir. Si je me retrouve face à ces lâches, rappelle-le-moi.

Puis elle essuie ses joues et se tourne vers moi :

-Et si on allait au village ?

Des oiseaux morts pendent des étalages, les légumes s'entassent et la foule se précipite sur les promotions. Le marché.

- C'est de la folie de venir ici ! N'importe qui pourrait me reconnaître !

Toutes ces odeurs que je pensais ne jamais ressentir à nouveau m'assaillent. Isis serre ma main.
- Si tu veux avoir des informations, va là où les gens se les échangent. Tu ne crains rien.

Son sourire me donne presque envie de la croire. Presque. Elle me traîne jusqu'à une petite dame qui étale ses tomates sur une planche. Je rentre la tête dans les épaules. Il suffirait qu'une personne, une seule, me reconnaisse, pour que cette même tête finisse au bout d'une corde. Isis affiche un sourire et se penche vers la femme :

- Ces trois-là, s'il vous plaît.

- Deux pièces.

- Tenez.

Isis récupère les légumes avant de prendre une voix complètement innocente :

- De là où je viens, les rumeurs courent. Est-ce vrai que la princesse est morte ?

- Et d'où venez-vous, ma p'tite dame ?

- Du Nord. Nous allons rendre visite à de la famille. Alors ?

- Ah ça, pour sûr, elle est bien morte. Elle bouffe les pissenlits par la racine, à l'heure qu'il est. Bon débarras, on n'a pas besoin d'une reine à l'âme pourrie par la malédiction. Mon mari faisait partie de ceux qui l'ont terminé. Paraît qu'elle était déjà bien amochée.

- Mais elle n'était pas fille unique ? Qui va gouverner ?

- Mais vous venez vraiment de loin, ma parole ! Le palais a été pris par les soldats et maintenant c'est le Maître qui dirige. Grâce à lui, le royaume est heureux à nouveau.

Elle force un sourire.

- Et la famille royale ?

- Le roi et la reine ont fini comme leur fille.

- Et le reste ?

- Le fiancé de la d'moiselle a disparu. Comme à peu près la moitié des cousins. Si vous voulez mon avis les vers se régalent à l'heure qu'il est.

Valandia. T1_MauditeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant