Chapitre 34 : La fin (du tome 1)

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Une immense salle m'apparaît. Je la connais pour l'avoir vue dès mon plus jeune âge : la salle du trône, dans le palais. Un frisson me parcourt quand je vois qu'une personne inconnue est assise sur le siège. Sa silhouette suppose que c'est un homme mais son visage est caché par un masque inquiétant, complètement blanc. Les statues en marbre qui décoraient la pièce ont toutes été remplacées par des armes. Soudain un bruit retenti dans mon dos.

La lourde porte de la pièce claque et deux gardes entrent. Ils tiennent fermement un jeune homme et le traînent jusqu'à l'homme sur le Trône. Je sursaute et panique un instant à l'idée d'être découverte mais ils passent à côté de moi sans me voir. Je suis invisible à leurs yeux. C'est une vision. Evidemment.

L'homme est jeté à terre par les gardes, et, immédiatement, il se met à genoux. Les hommes murmurent quelques mots à l'oreille de l'homme si terrifiant. Il tourne son visage vers l'homme pauvre, se donnant l'air pensif avec un doigt sur la bouche :

- Vol de nourriture, donc... décapitation.

Le visage du jeune garçon à terre se tord de terreur :

- S'il vous plaît, Maître... C'était une erreur, une terrible erreur. Je vous en supplie !

L'homme lui répond d'un air impitoyable :

- Que t'a-t-il pris de voler ces œufs, misérable vermine ?

- Ma famille meurt de faim. Depuis que les gardes prennent toutes nos réserves de nourriture, il y a déjà de nombreux morts dans le village.

- Ce sont tes seuls arguments ?

Il se tourne vers les gardes :

- Emmenez-le.

- Pitié... Non !

- Tu n'as toujours pas compris que le Maître n'accorde sa pitié à personne ?

L'homme continue de s'agiter et de crier tandis que les gardes le prennent par les bras et le sortent. Ses hurlements résonnent dans le couloir. Puis je me réveille.

Je ne sais pas qui m'envoie ces visions, mais il est grand temps d'arrêter ce massacre. La Reine du Peuple veut renaître. Et un homme qui se fait appeler « le Maître » a pris le contrôle, comme me l'avait dit un des soldats qui avaient capturé Oren, dans la forêt. Le tout en même temps. Je suis certaine qu'il y a un lien, que ce n'est pas qu'une coïncidence. On arrête la Reine du Peuple, on arrête le Maître. Nous sommes les seuls à avoir une piste. Il faut trouver la solution, ici, dans les montagnes d'Aldia, avant qu'il ne soit trop tard.

- Jade, tout va bien ?

Isis est penchée sur moi, mais la nuit m'empêche de distinguer son visage.

- Oui, excuse-moi...

- Est-ce que tu as eu une autre vision ? Ne mens pas.

- Je... je crois.

Je lui raconte tout ce que j'ai vu en rêve.

- C'est de plus en plus inquiétant. Tu te souviens, la Reine du Peuple nous avait dit qu'elle avait un allié. Je commence à croire que le Maître est cet allié.

- Nous verrons bien. Nous ne pouvons rien faire d'ici, à des heures de marche du royaume. Je vais prendre mon tour de garde.

Le soleil pointe à peine à travers les piques rocheux que déjà nous nous remettons en route. Mettre de l'écart entre nous et nos poursuivants est la seule chose qui compte. La gorge sèche, nous avançons. Le manque d'eau et de nourriture commence à nous rendre faibles, encore plus vulnérables dans cette immensité de sable. Nous passons la journée à trébucher dans cette immensité de sable. Bientôt la nuit approche.

- Avancez... plus vite... Il faut avancer toujours plus loin. ; haletante, Lory nous ordonne de continuer.

- Nous courons encore un plus grand danger. Après les événements de la nuit dernière, il y a des chances pour que le soldat nous trahisse.

Elia est toujours aussi forte, toujours aussi digne, toujours aussi... elle. Elle termine sa phrase d'un ton féroce que je ne connais que trop bien.

- Il ne révélera jamais qu'il nous a rencontrés. Il connaît mon histoire mieux que vous ne la connaîtrez jamais. Il sait très bien de quoi je suis... de quoi j'étais capable : notre meneuse semble pourtant beaucoup moins dangereuse que ses alliés, écrasée par le froid et la vieillesse. Je sais que la force des Méridians est invisible, dissimulée, mais elle existe, et elle est bien plus présente qu'en n'importe quel humain. Soudainement, à mes côtés, Isis se fige.

- Il y a quelqu'un. Ou quelque chose.

En alerte, je cherche cette chose, tandis que les autres mettent instinctivement la main à leurs armes. Rien. Aux alentours, il n'y a pas un seul signe de vie, hormis nous.

- Isis ?

Pour toute réponse, elle pointe le sol. Ses paroles me reviennent en mémoire : "Je peux détecter toute trace de vie sur terre, dans l'air ou sous terre. "

Quand, subitement, le sol se met à trembler. Les dents serrées, comme prête à une bataille, Elia se raidit sur ses jambes. Sans m'en apercevoir, je l'imite. Je serre si fort le manche de mon poignard qu'il m'écorche les mains. Mais je ne me concentre pas sur ça : dans quelques instants, je risque d'avoir de bien plus graves blessures. Subitement, cinq piliers de pierre jaillissent du sol, poussés par une force invisible. Tendus vers le ciel, ils se dressent de toute leur hauteur, imposants. Mais la seule chose qui me pétrifie, c'est ce qui se trouve au sommet de ces poteaux de pierre. Armés d'arcs et de lances, ils sont cinq à nous dévisager de leurs regards mauvais. Des guerriers. 

*Fin du tome 1*

Valandia. T1_MauditeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant