Chapitre 14 : La Légende

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Oren réessaie, encore et encore, pourtant pas une égratignure n'entame la pierre turquoise.

- Oren, arrête de t'acharner. Ça ne sert à rien...

- On ne peut pas baisser les bras ! On a risqué nos vies pour cette pierre !

- Je sais. Il y a forcément un moyen.

J'ai l'impression que des voix chuchotent, partout autour de moi, sans que je parvienne à comprendre ce qu'elles disent. Comme si elles connaissaient la réponse mais refusaient de me la donner.

Elles semblent toutes venir du même endroit. Et si... Je ramasse la pierre et aussitôt les voix deviennent plus claires et se fondent en une seule. La voix vient de la pierre. La voix est la pierre.

« L'héritière de la Maudite est la seule clé à mes secrets. Son sang sera sa porte. »

Je la tends à Oren, qui me fixe alors, abasourdi :

- La Maudite ... La seule personne qui a porté ce surnom depuis la création du royaume est notre ennemie.

Je murmure :

- La Reine du Peuple ... Mais elle n'a pas de descendants !

- Explique-le au caillou.

- Il y a forcément quelqu'un qui descend d'elle. Owo Ina est la pierre qui sait tout. Elle ne peut pas se tromper sur ça...

- Je crois que je me souviens de quelque chose sur un descendant ! Une légende.

- Les légendes font souvent le monde à leur image, non ? Que dit-elle ?

- Et bien ... La Reine du Peuple aurait accouché d'une fille, quelques mois avant sa mort. Le père de son enfant était un villageois, un pauvre, bûcheron dont elle s'était éprise. En raison des origines de la petite, elle avait décidé de cacher sa grossesse et son enfant à sa famille. Elle avait confié le nourrisson à sa suivante, sa plus fidèle amie, qui quitta le château pour élever la petite dans les bois. La Reine du Peuple allait voir sa fille le plus souvent qu'elle le pouvait, tandis que le villageois lui rendait visite presque chaque jour. Les deux amants se voyaient parfois, et quand cela arrivait, ils s'échangeaient de long baisers et restaient ensemble jusqu'à ce que la nuit tombe. Ils étaient fous l'un de l'autre. Enfin, c'est ce que pensait la reine.

Un jour qu'elle rendait visite à sa petite bien plus tôt que d'habitude, elle entendit, à travers les buissons sa meilleure amie chanter une berceuse à l'enfant qui pleurait. Puis la berceuse s'arrêta brusquement, suivie de quelque paroles, qui marquèrent la future Reine pour toujours :
- Mon amour ! Te voilà enfin ! Je me demandais si tu ne m'avais pas oubliée !

- Je serai toujours là pour toi. Toi et cette jeune demoiselle de quelques mois êtes les seules qui comptent.

Ces dernières paroles avaient été prononcées par une voix reconnaissable entre mille. Son amant. Le père de sa fille. L'homme pour qui elle aurait donné le monde, le seul auquel elle faisait confiance.

La princesse ne fit pas demi-tour en direction du château pour pleurer entre ses draps de soie, au contraire. Elle accéléra le pas pour parvenir à la clairière ou ils se trouvaient. Elle était humiliée, trahie par celle qu'elle pensait être son amie et par son grand amour. Elle se rapprochait des voix qui continuaient de se dire des mots doux :

- Oui, je le sais ! Mais assez parlé ...

Il ne lui restait que quelque pas avant la clairière, quelques pas avant d'apercevoir les deux traitres.
- Embrasse-moi plutôt.

Elle surgit dans la clairière au moment où leurs lèvres allaient se toucher. Ils ne l'avaient pas vu. Son sang ne fit qu'un tour. Elle refusait de voir l'amour de sa vie en embrasser une autre.

Valandia. T1_MauditeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant