Chapitre 31 : Le cimetière

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Jusqu'à la tombée de la nuit, nous continuons notre marche, mettant le plus de distance possible entre les soldats et nous. Chaque mètre compte. Quand un ridicule morceau de soleil pointe encore à l'horizon, nous nous arrêtons.

- Il faut trouver un endroit sûr pour dormir.

Je regarde autour de moi. De nombreux rochers d'une étrange couleur noire, brillants et lisses comme des pierres précieuses sont à notre portée, certains faisant deux fois notre taille.

- Aucune de ces pierres n'a de fissure assez grande pour nous abriter. Il faut aller plus loin.

- Ce ne sont pas des pierres.

Isis s'approche d'un des rocs et le soulève aussi facilement que s'il était en mousse. Il est creux! Soudain, je comprends ce que cela implique :

- Mais ça ne peut pas être naturels... Ces rochers sont ...

- Les anciennes carapaces d'animaux morts. Ce lieu est un cimetière.

Isis termine ma phrase sans effort. L'idée de dormir là-dedans me paraît presque confortable après tout ce qui s'est passé, bien que ce soit horrible et dégoûtant. Je me dirige vers un autre dôme sombre, et le soulève à mon tour. L'intérieur est rugueux et légèrement plus clair que la partie qui est restée à l'air libre. Je le laisse retomber lourdement sur le sol, et il s'écrase dans un nuage de poussière. Je rejoins les autres à petits pas.

- Il n'est pas certain que nous ne risquons rien là-dessous, mais c'est l'unique chance qui se présente ici. Cependant, je tiens à assurer notre survie. ; déclare Lory d'un ton morne en extirpant de son sac un pot rempli d'un liquide visqueux et nauséabond.

À peine l'a-t-elle ouvert que l'odeur me pique les yeux.

- Je préfère ne pas savoir ce que c'est. ; sourit Elia dès que la senteur l'atteint, un bras devant le nez pour tenter d'empêcher l'odeur de pourriture de faire souffrir son odorat.

- Une mixture que j'ai volée au village. Les chasseurs l'utilisent pour dissimuler leur odeur aux animaux. Et le flair des Maokas peut être un gros problème pour nous si nous n'y faisons pas attention.

- Et il faut s'en enduire.

- Oui. ; acquiesce Lory pendant qu'Elia plonge déjà sa main dans le liquide.

- Ingénieux... Pourquoi ne pas nous l'avoir dit dès le début ? Nous avons laissé notre trace en venant jusqu'ici! Il aurait été beaucoup plus facile de la camoufler!

- Je sais, mais malheureusement, je ne possède pas d'assez grande quantité de ce produit. L'effet disparaît en douze heures précisément. C'est pourquoi il vaut mieux l'utiliser la nuit, quand nous avons plus de chance d'être traqués.

Avec soin, Elia étale un peu de la mixture sur son bras.

- L'odeur empeste à un kilomètre à la ronde. Crois-moi, tout ce que les Maokas sentiront, ce sera un mélange d'animal mort et de nourriture pourrie ! ; s'exclame Lory, que la perspective semble ravir.

C'est la première fois que je vois son visage se creuser pour un sourire. Elle semble avoir perdu dix ans d'un coup, ses cernes et ses rides semblent être éclipsés derrière ses dents blanches.

Mais ce moment ne dure pas, et elle reprend sa mine habituelle.

- Dépêchons-nous, nos poursuivants ne devraient pas tarder à se mettre à nous traquer. Les soldats voient avec leurs yeux, les Maokas avec leur nez. Nous serons protégés des deux. ; termine-t-elle en s'étalant, avec deux doigts, de la mixture sur les poignets.

Valandia. T1_MauditeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant