⚘23. Le café-théâtre

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━ 6 janvier 2020 ━

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6 janvier 2020

          NICHÉ ENTRE DEUX COMMERCES AUX DEVANTURES PIQUÉES PAR LE TEMPS, dont les rideaux de fer avaient été tagués de couleurs criardes, le Da Vinci me paraissait miniscule. Il n'y avait personne devant la porte de bois décorée d'une pancarte au nom du café-théâtre, aucun vigile ne rôdait dans les parages. Tout portait à croire que cet endroit était désert, néanmoins des touches de saxophone parvenaient à percer le calme des rues de Saint-Florian, indiquant qu'on ne s'était pas trompés d'endroit.

— Vas-y, pousse la porte, intima Malo demeurant tout de même en retrait.

— Pourquoi t'y vas pas en premier ?

Sous les lampadaires et leur lueur jaunâtre, le visage espiègle de Malo paraissait découpé en stries de lumière. Je ne pouvais distinguer ses iris rieurs, mais son pincement de lèvre ne m'échappa pas. Malo avait la trouille, même un enfant de cinq ans aurait pu le deviner.

— Me dis pas que t'as peur de rentrer en premier ? le taquinai-je en resserrant mon manteau de laine contre moi.

Malo grogna et leva les yeux au ciel.

— N'importe quoi. C'est toi qui as peur de pousser cette fichue porte.

— Pourquoi tu te caches derrière moi dans ce cas ? Elle va pas te manger.

— T'es chiante, acheva le brun en me dépassant, s'avouant par la même occasion vaincu.

Un sourire taquin s'était esquissé sur mes lèvres lorsque Malo avait tourné la poignée du Da Vinci, et nous nous étions engouffrés dans le couloir exiguë. Des posters d'humoristes plus ou moins connus côtoyaient les affiches de concerts se déroulant dans la région, le tout recouvrant les murs de briques cramoisis. Un petit escalier se présenta à nous, dont les marches poussèrent de lourdes plaintes à chacun de nos pas. Il n'y avait pas beaucoup de lumière dans cet endroit et même si je n'étais pas du genre trouillarde, j'étais bien contente de ne pas être en tête de file.

Nous débouchâmes finalement sur un vestibule et les airs de saxophone, qui jusqu'alors s'étaient résumés à une mélodie lointaine, se firent plus intenses, nous explosant presque au visage. Sous nos yeux ébahis s'étirait une vingtaine de tables rondes, entourées de chaises aux dossiers colorés. Des guirlandes à LEDs étaient suspendues d'un bout à l'autre de la pièce, sublimant la tapisserie pourpre du café-théâtre. Tandis que sous la cage d'escalier était dissimulé un comptoir, autour duquel s'activaient des serveurs ainsi que des barmans. De délicieuses effluves de café et de chocolat chaud vinrent chatouiller mes narines et je soupirai de bonheur.

Au loin, près d'un pan de mur recouvert de vieux vinyles, se dressait une scène sommaire sur laquelle jouait avec passion le groupe de jazz dont nous avait parlés Léo. Le saxophoniste s'était lancé dans un solo et je fermai les yeux l'espace d'un instant. J'avais l'impression d'être dans un rêve, de flotter dans un univers lointain, très lointain du mien, où le concours et les responsabilités qui l'accompagnaient n'étaient que poussière de fée.

LA THÉORIE DES MITOCHONDRIESWhere stories live. Discover now