Chapitre 7 / Réunion d'urgence

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— Tu rigoles ! s'exclama Emmanuelle en renversant sa tête vers l'assise du canapé contre lequel elle s'était adossée.

Elle avait répondu à l'appel d'urgence que Lupita avait lancé dès qu'elle était rentrée chez elle, en milieu d'après-midi.

— Non, hélas ! Je ne sais pas quoi faire maintenant...

— Tu sais, il est peu probable qu'il te reconnaisse si tu changes de vêtements et de coiffure. Les mecs dans son genre, ça ne fait pas trop attention au petit personnel, dit Aïko qui s'était installée sur l'unique fauteuil et avait posé ses pieds sur la table basse.

— Et puis, c'est l'occasion de porter tes lunettes ! ajouta Emmanuelle avec enthousiasme.

— Je n'aime pas les porter, Emma !

— Je sais, mais il le faut sinon tu seras myope comme une taupe dans quelques années ! Et là, c'est l'occas !

— Emma a raison. Tu les mets au boulot et tu les enlèves en sortant. Genre Clark Kent ! Double identité, et secret parfaitement conservé ! s'exclama Aïko.

— Comme si une paire de lunettes pouvait faire la différence ?!

— Mais oui ! Parfaitement ! Si ça marche pour Superman, il n'y a pas de raison que ça ne marche pas sur Lupita Jones ! lança Aïko convaincue.

— Tu es consciente que Superman est un personnage de fiction, Aïko ?! s'exclama Emmanuelle en riant à moitié.

— Je suis sûre que ça va marcher ! De toute façon, est-ce que Lupe a le choix ?

— Pas vraiment, je suppose, soupira l'intéressée. Ça va me pourrir la vie, cette histoire.

— Bah ! Non ! Tout au plus quelques jours... jusqu'au week-end où on va te faire oublier tout ça ! Et ton patron a sans doute d'autres chats à fouetter ! Il va t'oublier lui aussi ! dit Aïko avec enthousiasme.

—Sinon, je viens lui botter le train ! lâcha Emmanuelle avec une mine sombre.

— Tu sais, Emmanuelle, tu vas être une sacrée enseignante...

— Je sais... je vais te les remuer tous ces petits hyperactifs, moi !

— Tu vas les claquer plutôt, lança Aïko en rigolant. J'ai hâte devoir ça. En attendant, je dois filer. J'ai une nouvelle touche pour vendre quelques unes de mes photos.

— Mais, c'est super ! s'exclama Lupita qui avait honte de monopoliser l'attention alors que ses amies avaient, elles-aussi, des choses à raconter.

— C'est pas fait encore. Mais bon, c'est cool, oui. Je file.

— Moi aussi, dit Emmanuelle. Il faut que je prépare un doc pour demain. On se voit samedi ?

— Yes... moi, je vais voir si Mme Mendès est disponible.

— Les enfants ne sont pas encore sortis de l'école à cette heure-là... elle doit être en train de les attendre derrière la porte de l'appart, dit Aïko.

— Probable. Il faut qu'elle me transforme ma coiffure en un truc moins voyant, lâcha Lupita.

— Avec tes cheveux, je lui souhaite du plaisir... dit Emmanuelle.

— Je sais.

— Mais non ! Le problème, c'est pas tes cheveux, poulette ! C'est de ne pas paraître trop jolie ou remarquable... Et ça ! C'est pas gagné !

— Tu as toujours les mots adéquates pour faire des compliments, Aïko ! lança Emmanuelle en rigolant.

— Je sais. J'y mets beaucoup de cœur, répondit du tac-au-tac cette dernière.

— Et trouve-toi des vêtements discrets, Lupe, ajouta Emmanuelle.

— Des vêtements discrets ? Ben, j'ai que ça... répliqua Lupita, étonnée.

— On en parle de ta collection de hoodies avec des couleurs improbables, voire des inscriptions cryptiques ?

— Et de tes baggys d'aventurières aux long courts. Je me demande toujours pourquoi tu as besoin d'avoir autant de poches à tes pantalons... Et je ne parle pas de ceux qui peuvent se transformer en bermuda de touriste allemand...

— Et tes baskets...

— C'est bon, les filles ! Ça suffit ! J'ai compris ! Mais je n'ai pas grand-chose d'autre dans mes placards...

— Je me souviens d'une pile de trucs inodores et incolores, rangée dans le coin gauche d'une étagère derrière des boites de composants.

— Putain, Emma !Traîtresse ! Comment tu peux te souvenir de ça !

— J'ai une mémoire d'éléphant, tu te souviens ?

— C'est quoi ces vêtements ? demanda Aïko.

— C'est les trucs qu'elle portait quand Jerem' l'a plantée.

— Tu veux dire des vêtements passe-partout : jean, tee-shirt blanc et sweat noir ?

— Précisément.

— Je vais les ressortir, mais pas sûr que ça m'aille encore.

— Je parie sur une réponse affirmative, étant donné que tu n'as pas changé d'un poil depuis un bail, poulette. Et j'ai l'œil, tu peux me croire, trancha Emmanuelle.

— Envoie une photo quand tu commenceras les essayages ! Il faut immortaliser la naissance de la nouvelle Lupita Jones.

— Nouvelle, nouvelle ! Avec de vieilles fringues !

— On pourrait faire les boutiques, samedi ? lança Emmanuelle avec une étincelle d'espoir.

Un silence s'installa aussitôt. Puis deux éclats de rire se mêlèrent.

— Je ne suis pas encore assez désespérée, Emma ! Faut pas pousser...dit Lupita.

—J'aurais essayé, soupira l'intéressée qui aurait adoré relooker ses amies.

— N'oublie pas les photos, Clark Kent ! lança Aïko en disparaissant dans les escaliers en entraînant Emmanuelle.

Lupita était rassérénée. Ses amies avaient raison. Pour éviter la catastrophe, il suffisait qu'elle ne ressemble plus jamais à cette fille habillée en cheerleader.

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