Chapitre 91 / La super-héroïne

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Après que les trois hommes eurent disparu, les conversations reprirent, les rires, la légèreté. Mais pas du côté de Charlotte et Lupita, qui avaient échangé un regard inquiet avant de se reporter sur Elektra qui, depuis la répartie de son grand-père, avait gardé un silence inquiétant. La jeune fille était blême et serrait tellement la mâchoire qu'on pouvait voir la crispation pulser sur les côtés de son visage.

L'épouse de Magnus entoura Elektra de ses bras en l'entraînant vers le salon, Lupita sur leurs talons. Elle ne voulait pas les quitter. Avec elles, elle était en terrain ami. Seule, elle serait perdue. Elle entra donc dans le salon à leur suite et en referma les portes-fenêtres pour discuter plus intimement.

Charlotte avait forcé Elektra à s'asseoir sur un des fauteuils fort peu confortables de cette partie de la pièce. Ici aussi, tout était très fleuri et pimpant. Les larges portes-fenêtres donnant sur le jardin apportaient une douce lumière de fin d'après-midi qui dorait l'air, effleurant chaque objet avec douceur pour lui donner le charme des tableaux anciens.

Lupita imaginait sans peine des heures s'égrainant pour des héroïnes romantiques dont le regard se perdait dans des rêveries d'amour impossible, bercée par des discussions sans aspérités et polies. Rien de tragique ne pouvait arriver ici. C'était sûr.

Elle se trompait, bien sûr. La brutalité du monde savait se frayer un chemin jusque dans les endroits les moins à même de l'accueillir.

Charlotte murmurait à Elektra que son vieux croûton de grand-père allait payer pour toute cette haine qu'il avait envers eux. Cette jalousie inacceptable qui le rongeait, l'enverrait dans la tombe bien plus rapidement qu'il ne pensait.

—J'espère, Charlotte, que vous n'êtes pas sérieuse, dit alors une voix peu amène derrière les jeunes femmes.

Althéa se tenait à l'entrée du salon, près du piano. La mère d'Elektra lançait des reproches silencieux de ses yeux noirs, telle une femme outragée. Ses cheveux d'un blanc immaculé, remontés en chignon sophistiqué, lui donnait cet aplomb qu'ont les matriarches. Mais, ni sa fille, ni sa bru, n'étaient dupes. Althéa n'avait pas encore atteint l'âge de la sagesse. D'ailleurs, il était probable qu'elle ne l'atteigne jamais tout à fait.

Pour se donner l'impression d'une autorité acquise avec l'âge, elle avait réagi dès que les premières mèches blanches étaient apparues dans sa blondeur légendaire, en accélérant le processus artificiellement grâce à un coiffeur hors de prix. Mais, elle aurait beau toiser de son mépris et de sa colère les trois jeunes femmes, à présent tournées vers elle, aucune ne se laissa impressionner suffisamment à son goût. Elle accentua son froncement de sourcils en songeant aux rides qui ne cessaient de se creuser sur son front, puis s'avança.

Althéa n'approuvait pas particulièrement son père. Elle le connaissait bien. Elle savait comme il pouvait être affreux et cassant. Elle en avait, elle-même, fait les frais tout au long de sa jeunesse. Elle avait, elle-même, dû lutter contre ses manigances. Mais qu'elle le critique ouvertement n'empêchait pas qu'elle l'admirât et l'aimât. Cet amour étrange ne supportait pas la critique des autres. Et certainement pas celles venant de pièces rapportées. Alexander ne se serait jamais permis de tels mots envers Deimos devant elle.

— N'avez-vous pas entendu ce que votre père a dit à Elektra ?! Et à vos deux fils ? s'esclaffa Charlotte, qui, à cause du débordement d'hormones dû à la grossesse, parvenait de moins en moins à retenir ses reproches en présences de sa belle-mère.

— Je ne vois rien qui vous concerne, Charlotte. Mes enfants sont tout à fait capables de se défendre, ajouta-t-elle en jetant un regard à Cyrus qui n'avait pas remarqué l'absence des siens dans le jardin, et qui discutait avec un serveur. Sans compter qu'Elektra l'avait bien cherché ! Quelle idée de lui rappeler le temps qui passe, ma fille ! Tu sais comme il est, pourtant !

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