Chapitre 40 / Combat de boss

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Le couple entra dans le restaurant côte à côte. Elle, souriante. Lui, un rien froid. Darius connaissait la table que son grand-père réservait toujours quand il venait ici. Il se dirigea donc facilement jusqu'à lui, malgré le monde qu'il y avait dans la salle. Le vieil homme sirotait un verre de vin lorsqu'il les aperçut.

— Darius ! Toujours ponctuel ! Et Mlle Jones, c'est ça ? Vous travaillez au service informatique, je crois ? les interpella Deimos en se levant, pour faire une sorte de baise-main surannée à la jeune femme.

Lupita se retint d'ouvrir la bouche de stupeur, tandis que Darius prenait son visage des mauvais jours. La jeune femme improvisa donc en free-style pour ne pas perdre la face. Avait-elle le choix, de toute façon ?

— Oui. Tout à fait, M. Yannopoulos. Je suis la dernière recrue du pôle. Je traque les hackers.

— M. Yannopoulos ? Allons, pas de ça entre nous ! Vous pouvez m'appeler Deimos ! Vous êtes presque de la famille, hein ! Un pied dans l'entreprise et le reste dans le lit du patron ! s'esclaffa joyeusement le vieil homme en se rasseyant.

— Grand-père... gronda Darius en restant debout et en retenant le bras de Lupita pour qu'elle en fasse autant.

— Quoi ?!

— Si tu nous as invités pour insulter ma petite-amie, nous repartons.

— Je n'ai insulté personne. Je dis les faits, lâcha très froidement Deimos en abandonnant son masque de papy gentil et souriant.

Lupita reconnut immédiatement celui que tout le monde craignait dans l'entreprise. Elle frémit légèrement, et Darius sentit sa peur. Il passa immédiatement un bras autour de ses épaules et lui fit faire demi-tour, prêt à repartir. Son plan avait échoué de toute façon. Il devait rejoindre Jung au plus vite, pour colmater ce qui pouvait l'être du naufrage en cours.

— Darius, assied toi, je te prie, dit alors Deimos d'un ton encore plus froid que précédemment.

— Ou sinon quoi ? demanda Darius sans se démonter.

— Ou sinon, j'expose tes manigances sur la place publique et je reprends le contrôle de la filiale française.

— Mes manigances ? Je ne vois pas de quoi tu parles.

— Tu le sauras quand tu te seras assis. La demoiselle peut partir.

Deimos Yannopoulos prit le temps de boire une autre gorgée de l'excellent vin qu'on lui avait servi quelques minutes avant l'arrivée de son petit-fils et de sa prétendue fiancée. Il avait besoin de l'effet réconfortant de l'alcool pour tempérer sa colère.

Darius s'assit en entraînant Lupita près de lui sur la banquette. Il commençait à entrevoir une éventualité qu'il devait creuser. C'était peut-être une chance.

— Elle reste. Tu voulais voir ma petite-amie. La voilà.

— Vraiment ? Tu es sérieux ?

— On ne peut plus sérieux. Nous nous aimons, et je ne vois pas où est le problème.

Lupita, elle, voyait très bien où était le problème. Elle était ridicule, assise là dans ces vêtements qui ne correspondaient en rien à ce qu'elle était en réalité. L'affrontement entre les deux hommes ne la concernait pas, et elle ne comprenait pas pourquoi Darius Ryker s'acharnait à prétendre qu'elle était sa petite-amie, alors que son grand-père savait manifestement tout de la mascarade. À moins qu'il n'y ait un détail qu'elle n'ait pas remarqué...

— Tu ne vas pas t'afficher avec une simple informaticienne au bras  ! Une informaticienne de 23 ans qui travaille pour toi de surcroît ! C'est indécent et inapproprié !

C'était donc ça le problème... Darius avait compris, lui, que Deimos ne savait rien de leur plan initial. Le vieil homme savait juste que la fille que fréquentait son petit-fils travaillait chez Anthéa Inc au pôle informatique. Et c'était cette mésalliance qui le choquait. Leur plan alambiqué consistant à lui mentir sur l'identité de Lupita n'avait pas été éventé.

— Si ce n'est que ça. Je la vire. De toute façon, elle est trop douée pour notre entreprise, laissa tomber Darius en croisant les bras sur sa poitrine.

Lupita se retint à grand peine de bondir sur son patron pour l'étrangler. Il lui avait promis que ça n'arriverait pas ! Il lui avait promis qu'elle continuerait à travailler pour Anthéa ! Elle sentit une colère digne d'une déesse antique monter en elle à une vitesse vertigineuse.

Les mains agrippées à la banquette, elle réprima avec peine, une folle envie de botter des culs. Néanmoins, elle n'allait pas se priver de lancer une première salve de mots bien sentis aux deux hommes. Mais la main de Darius vint recouvrir l'une des siennes comme pour lui faire comprendre qu'elle devait le suivre, qu'il avait toujours un plan, que les enjeux étaient bien plus grands qu'elle ne l'imaginait, et que, par conséquent, elle devait se taire pour le moment. Elle le foudroya du regard un bref instant, avant de reporter son regard noir de colère sur Deimos.

C'était de sa faute si tout cela arrivait ! Elle occultait tous les incidents avec Darius, tout ce qui aurait pu entraîner son licenciement. Désormais, l'ennemi était Deimos Yannopoulos, patriarche fourbe et calculateur.

— Écoute-moi, grand-père. Tu voulais que je rencontre des femmes pour me marier. Il se trouve que j'en ai déjà une dans ma vie. Alors je crois que le sujet est clos. Qu'elle te plaise ou non, Lupita est ma petite-amie, et elle le restera. Elle répond à mes critères d'exigence, et vu la femme que tu as voulu me mettre dans les pattes l'autre jour, elle explose les tiens ! Si le fait qu'elle travaille dans l'entreprise est le seul obstacle à notre couple à tes yeux, je l'élimine. J'en ai le pouvoir. Es-tu satisfait ?

— Non, Darius. Je n'accepte pas cette fille ! Elle n'est rien, ne vient de nulle part ! Elle n'est pas grecque !

— C'est tout ce que tu as comme arguments ? Des objections dépassées que tu n'aurais pas osé faire si mon père était encore vivant ?

— Mais justement, il est mort ! Et c'est maintenant moi, le chef du clan.

— Je ne crois pas, non. D'abord, nous ne sommes pas un clan, Deimos, nous sommes une famille. Ensuite, tu n'es pas un parrain de la mafia, mais un chef d'entreprise à la retraite. Enfin, je n'ai commis aucune faute qui mériterait que le PDG en activité d'Anthéa, Magnus Ryker, mon frère, me remplace.

— C'est ce que nous verrons, lança Deimos en se levant pour partir, furieux.

Il avait perdu la première bataille, mais la guerre était loin d'être finie, ça Lupita était prête à le parier.

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