Chapitre 82 / Noyée

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Une fois seule avec sa mère, Lupita s'effondra sur le canapé en se disant qu'elle avait peut-être présumé de son état. Elle appréhendait la discussion qu'elle n'allait pas manquer d'avoir avec Mercedes.

— Je vais préparer du thé. Tu as du thé, au moins ? demanda cette dernière.

— Du café, plus sûrement.

— Alors, du café.

Sa mère revint avec des tasses fumantes et une assiette de biscuits. Un paquet qu'Aïko avait sans nul doute abandonné au fond d'un placard. Lupita en avala un aussitôt. Elle mourrait de faim.

— Ils ne t'ont rien donné à la clinique ?

— À part de l'eau ? Non... je crois que je suis partie trop vite pour bénéficier de la formule avec repas quatre étoiles.

Sa mère esquissa un sourire avant de se mettre à siroter son café.

— Au moins ton café est bon.

— Au moins ?

— Il n'y a rien dans tes placards, Lupita. Même pas une boite de secours... rien.

— J'ai une voisine affamée, et je comptais faire les courses en sortant du travail à l'origine.

— Une voisine affamée ? Emmanuelle ?

— Non, Aïko. Emmanuelle ne toucherait jamais à ce que j'achète en général. Pas assez sain.

— Je vois, se contenta de dire Mercedes.

Et Lupita y détecta ce petit rien de reproche maternel qu'elle détestait tant.

— Tu ne vois rien, maman. Bref. Et si tu m'expliquais plutôt ce que tu as dit à l'hosto ? attaqua Lupita revigorée par son café et son biscuit.

— Qu'est-ce que j'ai dit ?

— Au sujet de moi et de papa, que tu n'arrivais pas à protéger.

— Ah ! Ça ! dit-elle en reprenant une gorgée de café le plus lentement possible.

— Maman ?

— Quoi !

— Tu craches le morceau ou il faut que l'on se fâche ?

— Je suis venue parce que j'ai failli te perdre, pas pour déterrer de vieilles histoires, Lupita ! Et, puis, c'est quoi cette manière de me parler ! Je suis ta mère !

— Maman ?! Tu ne vas pas me faire le coup de l'autorité parentale ! J'ai 23ans, je te signale !

— Et alors ? Ça n'empêche pas que je sois ta mère et qu'un peu de respect de ta part ne serait pas de trop !

— Écoute maman, je suis fatiguée. Si tu ne veux rien me dire, je vais aller me coucher. Mais je ne vois vraiment pas quel genre de secret honteux tu peux bien avoir à cacher, soupira Lupita en se levant pour aller dans sa chambre.

Au moment où elle ouvrit la porte, la voix de sa mère s'éleva derrière elle.

— Ton père a bien failli te tuer quand tu avais trois ans.

Lupita se retourna, la main toujours sur la poignée de la chambre. Elle ne dit rien. Elle attendait que sa mère poursuive. Cette dernière s'était assise sur le canapé et fixait sa tasse de café.

— Nous étions... Je t'avais amené sur la côte au nord de la France pour le voir. Tu n'avais pas encore quatre ans. Il travaillait sur une plate-forme au large. Il avait quelques jours pour se reposer et nous voir. Nous étions encore un couple heureux. Enfin, je voulais y croire. Lui aussi, je pense. Et puis, alors que notre séjour s'était assez bien passé, le dernier jour, il a voulu te faire découvrir l'endroit où il travaillait. Tu étais tellement éblouie par ce père que tu voyais si peu, je n'ai pas osé dire non. Malgré ma peur, mon inquiétude quasi constante.

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