Chapitre 100 / Un père en embuscade

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Assise sur le lit, Lupita fixait le ciel par la fenêtre de sa chambre d'hôpital. Elle respirait calmement sans aide d'aucune sorte. Les médecins étaient optimistes et lui prédisaient une sortie prochaine.

La police était venue pour l'interroger concernant Rochemer, et Magnus Ryker lui avait rendu visite à plusieurs reprises. Il avait comblé les vides concernant la soirée où elle avait failli mourir. Quand il avait dit « où elle avait failli mourir », l'esprit de la jeune femme avait rectifié « où elle était morte ». Elle n'avait vu ni tunnel de lumière, ni portes de l'enfer, mais elle savait qu'elle était morte. Et puis, quelqu'un l'avait ramené, tel Orphée guidant son Eurydice, et comme dans cette histoire triste, elle avait l'impression de s'être perdue en route.

Darius n'était pas venu. Elle avait eu beau rêver de ses bras, de ses mots, Darius était absent. Il demeurait celui que l'on espère, mais qui reste caché. Il l'avait abandonnée. Avait-il menti dans Central Park ? Avait-il changé d'avis concernant ses sentiments envers elle ? Avait-il attendu de voir si elle en avait pour lui, avant de décider que ça n'en valait pas la peine ? Que la famille passait avant tout ?

Après tout, ni Magnus, ni la police ne lui avait parlé de Deimos Yannopoulos. Seulement de Rochemer. La famille Ryker avait-elle fait disparaître les liens entre les deux hommes afin de se protéger ? De protéger l'entreprise ?

Elle fronça son joli front à ses pensées et se leva pour prendre le smartphone tout neuf que lui avait offert Magnus, -Son sac à main avait fini dans l'East River-. Elle voulait en avoir le cœur net. Elle s'apprêtait à téléphoner à l'aînée des Ryker quand une voix la fit sursauter.

— Ma tempétueuse déferlante ?!

Lupita avait ouvert la bouche de stupéfaction. Elle n'en croyait pas ses yeux. Tout au long de sa jeune vie, Bruce Jones avait été un père aimant, mais un père absent. Avec les derniers évènements, elle avait presque oublié qu'il vivait au États-Unis, qu'il était susceptible de la rejoindre, qu'il pouvait, comme un diable sortant de sa boite, surgir par surprise. Bruce était l'aigrette de pissenlit que le vent portait au grès de ses caprices. Pas moyen de l'arrêter ou de prévoir sa venue.

— Que fais-tu ici ?

— Et bien, compte tenu que ma fille a été la victime d'un assassin plutôt opiniâtre, je crois qu'il est tout à fait normal que je sois là, non ? Et je serais venu plus tôt si ta mère n'avait, encore une fois, fait de la rétention d'information, ou que toi, tu m'avais prévenu de ta venue...

— Maman n'avait pas beaucoup d'infos, elle-même, papa, préféra répondre Lupita, éludant son silence quant à son voyage aux U.S.A.

— Vraiment ? Et bien, ça n'est pas une raison ! Quel genre de mère ne sait pas que sa fille a risqué sa vie par deux fois en l'espace d'aussi peu de temps ?

— Papa ?! sourit Lupita devant le faux air indigné de son père.

Bruce connaissait tous ses manquements. Il était conscient que ses absences auraient dû éloigner sa fille de lui. Il ignorait comment son incroyable progéniture lui pardonnait et restait indulgente avec lui.

— Comment vas-tu, Lupe ? Je suis atterré de ce qui s'est passé. M. Ryker m'a tout expliqué en détail, et je ne sais pas comment réagir. J'oscille entre prendre une arme et rendre justice moi-même, ou rester apathique jusqu'à ce que la terre m'engloutisse.

Lupita sourit à cette image. Son père n'avait jamais été quelqu'un capable d'attendre que les événements s'enchaînent par eux-mêmes. Il était calme, mais préférait agir. Toutefois, il était à l'opposé de ce que sa stature aurait pu supposer en termes de capacité de violence.

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