Chapitre 87 / Amadouer la bête

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Darius sortit de l'ascenseur, espérant que les derniers informaticiens soient déjà partis. Il soupira en voyant qu'ils étaient encore quatre autour de quelques écrans au fond de la pièce : Eric vivier, Kevin Albertini, Steve Roston et Lupita Jones. Jung lui avait raconté la sortie contrainte et forcée, quelques heures plus tôt, de Klaus Carpentier par les agents de sécurité, chapeautés non pas par Saadi, mais par Mlle Mercier, secrétaire principale du pôle RH, furieuse que le blessé soit en train de travailler, alors qu'ilaurait dû être à la clinique, sous bonne garde.

Si Jung n'avait fait aucune remarque sur le comportement de Mlle Mercier qui paraissait outrepasser sa fonction, Darius, lui, n'avait pu manquer de noter qu'il aurait sans doute été encore plus furieux si Lupita avait été à la place de Klaus. Il en conclut bien justement que Mlle Mercier devait nourrir quelques sentiments pour le colosse barbu et taiseux. Ce qui ne manqua pas de l'étonner.

Darius s'avança sur le plateau sans faire particulièrement attention, mais les informaticiens étaient si concentrés sur leur travail qu'aucun d'entre eux ne le sentit approcher. C'est seulement quand il posa le téléphone près de Lupita qu'ils levèrent tous la tête.

— Je crois, messieurs qu'il est temps de tout couper et de rentrer chez vous. Demain est un autre jour, et vous avez fait du bon boulot, je vous en remercie, dit Darius en omettant sciemment la jeune femme dans ses paroles, tout en ne regardant qu'elle.

Les trois hommes comprirent parfaitement le message. Ils se levèrent comme un seul homme et remercièrent Ryker. Ils attrapèrent leurs affaires rapidement et partirent tout aussi rapidement du plateau, laissant Lupita Jones face à Darius. La jeune femme ne s'était même pas levée. Elle fixait son patron sans rien dire et sans expression particulière, sinon la lassitude et la fatigue qui lui tombait dessus en cette fin de soirée.

Quand le silence attesta enfin de leur solitude, la jeune femme prit son téléphone, le débloqua, constata les nombreux messages et appels en absence, puis se leva enfin.

— J'imagine que c'est vous qui vous y collez ce soir. C'est ça ? lança-t-elle alors en prenant ses affaires. Je pouvais rentrer seule, vous savez. Il suffit que je prenne un taxi.

— Je ne vous raccompagne pas parce que j'y suis obligé, mais parce que nous devons parler, Mlle Jones.

Le « Mlle Jones » fit l'effet d'une décharge électrique à Lupita. De nouveau cette barrière pour la tenir à distance. Il avait donc choisi, et comme s'y attendait Lupita, il regrettait ce qui s'était passé à la clinique. Évidemment. C'était un moment d'égarement.

— Pas de problème, M.Ryker, répondit-elle en appuyant sur le «Monsieur», tout en se dirigeant vers l'ascenseur.

Dans son dos, Darius soupira en fourrageant dans ses cheveux. Il s'y prenait mal. Il eut envie de dire : « comme à chaque fois ». Il ne parvenait qu'à la contrarier ou à lui faire peur. Le problème était ce fichu contrat entre eux. Tant qu'il existerait, il fausserait leur relation par le mensonge qu'il induisait. Il devait y mettre un terme. Mais d'un autre côté, il était à peu près sûr que la jeune femme ne le suivrait pas à New-York pour jouer le rôle qu'il avait besoin qu'elle y tienne, sans le contrat. Et il n'avait ni le temps nécessaire, ni la force que nécessitait ce combat. Il la suivit donc dans l'ascenseur sans rien ajouter.

Ça n'est qu'en arrivant au sous-sol, lorsque les portes s'ouvrirent sur le parking que Darius constata réellement sa stupidité du jour. Lupita avait eu une hésitation avant de sortir. Un temps d'arrêt qui témoignait d'un nouveau trauma qu'elle n'effacerait pas aussi facilement qu'elle l'aurait sans doute souhaité.

— Je m'excuse, Mlle Jones. Nous remontons. J'irai chercher la voiture pendant que vous m'attendrez dans le hall.

— Ce ne sera pas nécessaire, répondit la jeune femme en commençant à avancer vers le véhicule qui se trouvait à quelques mètres, mais son pas était raide, et ses poings serrés.

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