Chapitre 18 / Soirée...

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— Tu ne lui as pas dit ça ?!!! s'exclama Emmanuelle en rigolant.

— Mais si, sourit Aïko les yeux rieurs sous sa petite frange.

La jeune femme avait libéré sa chevelure rebelle qui se répandait comme une flaque sur les coussins derrière elle. Elle s'était assise par terre, adossée au canapé qui servait aussi de lit à Emmanuelle. Cette dernière, face à elle, se tordait de rire en se penchant sur la table basse qui les séparait. Lupita arriva avec un plateau recouvert de petites assiettes remplies de tapas.

— Elle est pas croyable ! Tu m'étonnes que les mecs se méfient ! Je suis sûre qu'il y a une alerte la concernant sur les sites de drague !

— Warning ! Warning ! Mante religieuse à peine camouflée...

— Hé ! Ça suffit ! Mes collègues m'appellent déjà Mercredi ! s'exclama Aïko en lançant un coussin à la tête de son amie.

— Hyper originaux, tes collègues ! Toutes les filles gothiques sont appelées comme ça maintenant ! À bas la soupe pop-culture !

— C'est vrai que l'originalité a tendance à disparaître... d'un autre côté, c'est sympa de partager ce que tu aimes avec plein de gens, dit Lupita en s'asseyant autour de la table.

— Tu parles ! Je préférais être la seule à connaître... ronchonna Aïko.

— C'est parce que ça te donnait un petit sentiment de supériorité culturelle... en fait, tu es snob, lâcha Emmanuelle en rigolant.

— J'assume totalement le principe. Il vaut mieux être snob, que brusquement aimer un truc qu'on aurait détesté, si tout un tas de champions du marketing n'avaient pas emballé ce même truc pour me le faire bouffer à toutes les sauces ! Je déteste les pro du marketing.

— Dit la fille qui fait des photos pour ces mêmes personnes.

— C'est rare, et je ne suis pas vouée à faire ça toute ma vie. C'est comme la boutique photo.

Lupita allait rebondir sur le client mystère dont Aïko n'avait pas encore parlé et à qui elle avait vendu deux photos récemment, quand Emmanuelle coupa court en s'exprimant sur un ton légèrement désespéré qui l'alerta.

— À qui le dis-tu ! J'ai hâte d'être prof... j'en peux plus des clébards et des gosses !

— Et tu vas être prof !

— Nan, mais c'est pas pareil ! Ceux que j'aurai en classe, ils seront là pour apprendre... répliqua Emmanuelle avec un rien de fébrilité dans le ton.

— Ça, c'est dans tes rêves !

Emmanuelle ne dit plus rien, préférant se focaliser sur les tapas qui avaient été posés devant elle. Ce qui, aux yeux des deux autres, parus immédiatement suspect.

— Dis donc, Emma, tu n'aurais pas un truc à nous dire, des fois ?!

— Non. Je ne vois pas.

— Oh ! Putain ! Y'a de l'eau dans le gaz et du pétrole dans l'ampoule ! s'exclama Aïko en se redressant. Emma ! Crache ta valda !

L'intéressée mit aussitôt dans sa bouche un énorme morceau de fritata aux pommes de terre qu'elle s'appliqua à mâcher avec trop d'application pour duper ses amies.

— Emma, qu'est-ce qui se passe ? demanda Lupita avec une petite inquiétude dans la voix.

— Pas grand-chose. Rien en vérité, finit-elle par dire en avalant avec difficulté sa nourriture à cause de sa gorge nouée.

— Allez... raconte...

— Je crois que je vais arrêter.

— Tu vas arrêter quoi ? Tu vas parler, oui ! s'exclama Aïko avec toute l'impatience qui la caractérisait en règle générale.

— Tout. Les études, les jobs foireux. Tout. Je ne m'en sors pas. Je vais retourner vivre chez mes parents.

Qu'est-ce qui avait bien pu se passer pour que leur super-héroïne hyperactive et joyeuse, décide subitement de tout plaquer, pour revenir au seul endroit qu'elle avait quitté avec un plaisir non dissimulé ?

— Emma, je n'ai qu'un mot à dire : qui ? lâcha Aïko en lui prenant les mains par-dessus la table.

Lupita se joignit à elle, confirmant par ce geste, qu'elle était convaincue, elle-aussi, que seul un abruti de mec, avait pu la mettre dans cet état, qui ne lui était absolument pas naturel.

— J'ai croisé Laurent.

— Laurent ? C'est qui ça, Laurent ? Tu te souviens d'un Laurent, Lupe ? demanda aussitôt Aïko.

— C'était pas le volleyeur du lycée adverse contre lequel nous avions gagné durant l'année de terminale, et dont tu étais raide dingue ? demanda Lupita.

— Si, confirma Emmanuelle.

— Ah ! C'est pour ça que je le connais pas, soupira Aïko. Qu'est-ce qu'il a fait ce Laurent ?

Lupita se demanda brièvement pourquoi les garçons qu'Emmanuelle et elle avaient fréquentés au lycée, se manifestaient brusquement dans leur vie, alors qu'il y a longtemps qu'elles avaient tourné la page. Le destin ? Hum ! Plutôt la malchance vu les répercussions qu'avaient eu l'évocation du mariage de Jeremy sur sa relation avec sa mère, et celles qu'avaient Laurent sur Emmanuelle.

— Et qu'est-ce qui a bien pu se passer pour que tu te mettes dans cet état.

— En fait, il était au flashmob... dans le public. Il m'a reconnue.

— Je le savais que je n'aurais pas dû te laisser rentrer seule ce matin-là ! éclata Aïko en se frappant la poitrine vigoureusement du plat de la main, qu'elle se mit à agiter aussitôt après, car sa chemise noire était constellée de petites formes géométriques en métal.

— Si tu vas par-là, je n'aurais pas dû non plus retourner au boulot, alors que j'étais en repos ! s'exclama Lupita.

— C'est ça ! C'est de ta faute ! répondit Aïko du tac-au-tac en affichant un grand sourire carnassier.

— C'est bon, les filles. Je suis capable de rentrer chez moi seule en pleine matinée ! Bande de relous !

— Bon ! Alors ! Ce Laurent ? Qu'est-ce qu'il te voulait ?

— Discuter. Et c'est ce qu'on a fait en prenant un café. Il était à Paris pour un séminaire. Il est coach sportif dans une boite qui propose ses services aux grosses entreprises... Et il cherche justement à recruter quelqu'un avec mon profil...

— Avec ton profil ??? Avec ton cul, tu veux dire... précisa Aïko.

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