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Louka


Je suivis Mouse jusqu'à un coin du café, ma canne sillonnant prudemment le sol, et on s'assit l'un face à l'autre. Une serveuse vint tout de suite prendre notre commande.

─ Bonjour, dit-elle. Vous désirez ?

A sa voix, ce n'était pas une jeune fille. Petite quarantaine, peut-être, quelque chose comme ça. Spontanément, je l'imaginai ronde, les cheveux tirés en arrière, de bonne volonté.

─ Un latte au sirop de noisette et des gaufres pour moi, commanda Mouse. Avec du chocolat fondu. Autant que vous pourrez en trouver.

Le sucre, toujours le sucre. En plus d'être en surpoids, cette pauvre fille devait être couverte de boutons...

─ Et pour vous ? s'enquit la serveuse, le ton affable.

Je savais qu'elle s'était tournée vers moi parce que sa voix m'apparaissait plus clairement que plus tôt. Une part de moi espérait qu'elle ne se montrait pas gentille simplement parce qu'elle me prenait en pitié.

─ Un cappuccino, un jus d'orange pressé, des toasts au pain complet, si vous avez. Et un duo beurre-confiture.

─ Quelle confiture ?

─ Ce qui vous fera plaisir, je suis pas difficile.

Je l'entendis s'éloigner sur ses talons. Je me demandai si elle était mignonne. J'aimais l'odeur du café fraîchement moulu, son amertume qui chatouillait mon odorat et me rappelait le réconfort d'une tasse fumante.

─ Tu as mis tes lunettes de soleil, aujourd'hui, nota Mouse.

─ Ouais. De temps en temps.

─ Pourquoi ?

─ Parce qu'on a dit qu'on allait manger. On se retrouve dans un endroit public. En général, je pense que ça dérange les gens de voir un type aveugle sans lunettes.

─ Moi, ça m'est égal.

─ Ouais, j'avais remarqué, c'est... bien, ça me repose. Je déteste être la monstruosité du cirque.

Puisqu'on était entre nous, je retirai mes solaires et les posai sur la table.

Mes doigts effleurèrent la surface lisse de la table en bois, repérant les détails gravés par le temps. J'imaginais les traces d'usure, les histoires silencieuses qu'elle gardait en mémoire.

Je laissai mes autres sens prendre le relais, m'envelopper dans cette bulle sensorielle qui me connectait au monde, dorénavant.

La salle était un mélange trouble d'ombres, mais il en émanait l'atmosphère chaleureuse et cosy qu'on est en droit d'attendre d'un café. J'entendais la porte s'ouvrir et se refermer de façon irrégulière. Les murmures des conversations se mêlaient à la musique qui tournait dans les haut-parleurs, un air à la mode.

J'essayai de me figurer les rayons de soleil filtrant à travers les vitres, créant des jeux de lumière qui dansent sur les tables et les chaises. Des rires s'élevèrent à une table voisine, se mélangeant à la symphonie de bruits ambiants. J'appréciais ces instants précieux où je peux me plonger dans l'ambiance du café, ressentir l'énergie des personnes qui s'y trouvent, même sans pouvoir les voir.

Ce qui m'enveloppait le plus, ce n'était pas tellement ce que j'entendais mais plutôt les odeurs de pâtisserie, les senteurs du café fraîchement infusé flottant dans l'air, mêlées à des notes subtiles de pain fraîchement sorti du four.

Tout le temps du mondeWhere stories live. Discover now