18

51 15 0
                                    

Mouse


─ Tu vas te coucher ? me demanda Louka quand on se retrouva dans le salon, tard ce soir-là.

─ Non.

─ Tu veux fumer sur le toit ?

─ D'accord.

Le ciel était couvert ce soir-là, il faisait plus frais que d'habitude, mais la brise nocturne était encore agréable. J'avais enroulé mon châle rose autour de mes épaules et je fredonnais en tirant quelques notes à ma guitare.

─ Quand je te dépose, le matin, je ne vois jamais ton père au magasin, dis-je à Louka, et je lui tapotai le bras pour lui signifier que je lui passais le joint qu'on fumait. Ni même quand je viens te chercher, d'ailleurs.

─ Ouais. Il travaille énormément dans ses bureaux. J'ai même l'impression qu'il s'y cache, si tu veux savoir.

Il haussa les épaules.

─ Vous êtes proches ?

─ Non. On l'était avant, en quelque sorte. Quand j'étais petit. Mais depuis que je suis adulte, on n'a plus grand chose à se dire. Je ne l'intéresse absolument pas.

Je jetai un œil à son visage. Il semblait songeur plus qu'attristé.

─ On se connaît mal, en fait. Il n'a pas cherché à s'intéresser à moi, à ce qui me plait. Sûrement parce que moi-même, je n'y faisais pas attention. Devenir jardinier, tu penses. DJ, c'était mieux, plus cool. J'étais con, je voulais plaire aux filles. Je voulais être populaire, avoir des amis, plein d'amis. J'ai réussi d'ailleurs, enfin... mon père, il avait Costa...

─ Costa ?

─ Mon frère. C'est l'aîné.

─ C'est un beau prénom.

─ Ouais, tout ça, « Louka », « Costa », c'est grec, quoi. Donc, Cos, il cochait déjà toutes les cases. Ca avait l'air de convenir à mon père, tu vois, il a jeté son dévolu sur lui... j'imagine. Je sais pas trop. Mais après l'accident... c'est devenu pire. Il a rejoint la horde de gens gênés...

─ Ah. J'imagine que ça ne doit pas être facile pour lui non plus, ce qui t'es arrivé. Qu'est-ce qui s'est passé, ce jour-là, d'ailleurs ? Le jour de l'accident ?

Louka expira la fumée du joint vers le ciel, avant de me le tendre.

─ Tu sais que personne ne me demande jamais ça ? finit-il par lâcher, se tournant vers moi.

J'observai les traits de son visage, son regard doré qui était vide. Il semblait dépité.

─ Personne n'ose. Tout le monde toujours là à marcher sur des œufs. A me traiter comme si je n'étais plus vraiment humain.

─ Moi, j'aimerais savoir, manifestement.

─ C'est rien de spécial, Mouse. C'est même totalement con. Je rentrais d'une fête. C'était l'anniversaire d'une influençeuse quelconque. Je ne me souviens plus de son pseudo. J'avais même pas envie d'y aller. J'avais reçu la demande au dernier moment. Je devais rentrer la veille mais finalement avec Benji, on avait décidé de rester sur Ibiza. Bref, j'ai mixé, rien de particulier, la fête était réussie selon moi. Ensuite, j'ai pris la voiture.

─ Tu avais bu ? demandai-je, sourcils haussés.

Louka marqua une hésitation. Il se passa la main dans les cheveux.

─ Un peu. Pas assez pour... avoir un accident.

─ Pourtant, t'en as eu un.

─ Ouais. Ecoute, je connaissais assez bien le chemin. Il faisait sombre, pas beaucoup de lampadaires dans ce coin. J'avais allumé mes feux... y'avait ce stop. Mais une autre voiture est arrivée très vite, et c'était déjà trop tard.

Tout le temps du mondeWhere stories live. Discover now