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Mouse


La surface du lac était noire et paisible, à peine ridée par la brise estivale. La nuit nous enveloppait. J'étais assise entre les bras de Louka, profitant du calme et de l'air plus léger du soir. Le feu crépitait. Je regardai les étincelles qui semblaient monter vers le ciel bleu foncé, presque noir. Les étoiles scintillaient faiblement sur la voûte. Je reconnus Orion, avec sa ceinture et son arc fièrement brandi.

Mon téléphone se mit à sonner. J'y jetai un œil sans aucun enthousiasme. C'était Otto. Ca me donna envie de l'éteindre, mais il avait dû recevoir le SMS que je lui avais envoyé en début de soirée. Je soupirai.

- Allo, grognai-je dans le combiné.

- Hééééé, Mouse. Ma petite star des écrans. Ca va ? Il parait que le vieux va pas bien ?

- Il est en pleine crise. Il ne se rappelle pas de moi. Il te connait depuis plus longtemps alors y'a peut-être une chance que ta tronche lui dise quelque chose. Tu comptes lui rendre visite, ou pas ?

- Là, ça va pas être possible... Je suis à Marseille et je suis à sec, mais dès que y'a moyen, je monte.

- Tu sers vraiment à rien, Otto.

- Hé, mollo, frangine. Tu passes ton temps à m'insulter, alors que je le fais jamais.

- Tu le mérites.

- Ah ouais ? Je crois que cette conversation est terminée.

- Très bien.

- Très bien.

On raccrocha en même temps. Quelle malchance d'avoir un type aussi inutile comme frère. Il passait son temps à fumer et à dilapider le peu d'argent qu'il gagnait. Je m'occupais de lui bien plus qu'il ne se chargeait de moi et parfois, c'était franchement pesant. Dommage que je sois pas du genre à couper les liens familiaux.

- Bon, dit Louka en levant mon visage vers lui, et je plongeai dans son regard vide. Maintenant, explique-moi ce qui se passe. S'il te plait. Enfin... si tu veux.

Je ne répondis pas tout de suite.

- Mon père, Markus, il... (je soupirai). C'était un mauvais jour, aujourd'hui. Il ne se rappelait de rien.

- J'ai vu, ouais...

Louka me prit la main. Je la lui laissai, tandis qu'il caressait délicatement mes doigts. C'était agréable, réconfortant.

- Souvent, il se souvient de Mouse, expliquai-je doucement. Quand on s'est rencontré, tu m'as demandé ce que c'était que ce nom...

Ca me fit sourire.

_ C'est un surnom que mon père me donnait quand j'étais petite. Il disait que j'étais minuscule comme une souris. Je ne prenais pas de poids facilement. On a commencé à m'appeler comme ça à l'école aussi, et mes amis s'y sont mis... moi-même, je m'y suis habituée. Bref, c'est resté. Et tu sais quoi ? « Mouse » joue aux cartes avec lui. C'est une étudiante. Il l'apprécie, ils sont amis. Parfois, il se souvient de Gretel... sa fille. Mais moins souvent que Mouse.

- Oh...

Ca faisait mal. Papa se rappelait de Mouse l'étudiante du Conservatoire, du coup, je venais souvent le voir en tant que telle. Si j'évoquais Gretel, soit il piquait des crises terribles, soit il se souvenait et se lamentait de me laisser seule, de me laisser gérer toutes les factures, d'être un poids pour moi... au final, il valait mieux Mouse. Elle l'apaisait, au moins. Je vivais vraiment mal sa culpabilité. Papa m'avait eue tard, c'était comme ça. Ca restait mon père, même si les gens le prenaient généralement pour mon grand-père, à cause de l'écart d'âge. Il approchait les soixante-dix ans.

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